L’AIE appelle les économies avancées à soutenir le nucléaire, alors que le coût des énergies renouvelables continue de baisser

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Le rapport Nuclear Power in a Clean Energy System publié cette semaine par l’Agence internationale de l’énergie (AIE) soutient que l’expansion de l’électricité propre doit s’accélérer de manière spectaculaire pour atteindre les objectifs de durabilité convenus au niveau international. Le rapport établit que le retrait des capacités nucléaires existantes risque d’augmenter les émissions de carbone et estime que la transition vers un système d’énergie propre sans une contribution significative de l’énergie nucléaire serait plus complexe et plus coûteuse.

« Avec les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique et d’autres technologies innovantes, le nucléaire peut contribuer de manière significative à la réalisation des objectifs en matière d’énergie durable et au renforcement de la sécurité énergétique », a déclaré Fatih Birol, directeur exécutif de l’AIE. « Mais, à moins que les obstacles auxquels il est confronté ne soient surmontés, son rôle [du nucléaire] diminuera bientôt dans le monde entier, en particulier aux États-Unis, en Europe et au Japon. »

Le rapport recommande aux pays « qui envisagent de conserver l’option du nucléaire » de mettre en place une série de mesures pour soutenir la technologie, notamment d’autoriser des extensions de durée de vie de la capacité nucléaire existante (bien que les conditions du marché soient défavorables), et de valoriser les bénéfices liés à la sécurité énergétique que les centrales nucléaires peuvent fournir.

Le rapport publié par l’AIE affirme que s’il n’y avait plus d’investissements dans l’énergie nucléaire nouvelle ou existante dans les économies avancées et que si le scénario d’une baisse de deux tiers de la capacité nucléaire d’ici 2040 était mis en œuvre, une augmentation des émissions de CO2 d’environ quatre milliards de tonnes serait inéluctable. Cela semble toutefois reposer sur l’hypothèse que le gaz ou le charbon, plutôt que les énergies renouvelables, remplaceraient la capacité nucléaire hors service, ce qui est loin d’être clair. « C’est une erreur de prétendre que le nucléaire sera remplacé par du gaz naturel, car les batteries solaires ou éoliennes coûtent moins cher que le gaz », explique Mark Jacobson, professeur à l’Université de Stanford, qui travaille depuis plus de 10 ans à la modélisation d’un monde disposant de 100 % d’énergies renouvelables. « La Californie, la Floride, le Colorado et l’Australie-Méridionale, par exemple, ont tous choisi les énergies renouvelables ainsi que le stockage plutôt que le gaz. »

Jacobson poursuit en expliquant que les sommes que l’AIE recommande d’injecter dans l’énergie nucléaire seraient mieux utilisées pour financer une nouvelle expansion des énergies renouvelables. « C’est irresponsable de la part de l’AIE de promouvoir les subventions pour les centrales nucléaires chères et défaillantes au lieu de les utiliser pour financer des énergies propres et renouvelables, en particulier l’éolien et le solaire », a déclaré Jacobson à pv magazine. « [Les énergies propres] permettront d’éliminer plus de carbone et de pollution atmosphérique que le nucléaire qu’ils remplaceront, et à moindre coût. »

Un autre rapport publié cette semaine par l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA) semble appuyer le point de vue de Jacobson. Le rapport Renewable Power Generation Costs in 2018 note que les réductions de coûts réalisées grâce aux énergies renouvelables continuent de défier les attentes, et fait le constat que les trois quarts des nouveaux projets d’éoliennes onshore et les quatre cinquièmes des nouveaux projets photovoltaïques devant être mis en service l’an prochain produiront de l’énergie à des prix inférieurs à ceux des options les moins chères pour le charbon, le pétrole ou le gaz naturel, et ce, sans aucune aide financière.

« L’énergie renouvelable est la colonne vertébrale de tout développement visant à être durable », a déclaré le directeur général de l’IRENA, Francesco La Camera. « Le rapport d’aujourd’hui envoie un message clair à la communauté internationale : les énergies renouvelables offrent aux pays une solution climatique à faible coût qui permet d’intensifier les actions. »

Des rapports antérieurs publiés par l’Université de technologie de Lappeenranta (LUT) en Finlande ont également contredit la conclusion de l’AIE. « L’université LUT, en collaboration avec Energy Watch Group, a publié deux rapports majeurs qui indiquent clairement que de nouvelles capacités d’énergie nucléaire ne sont pas du tout nécessaires pour la transition énergétique », explique Christian Breyer, professeur à LUT. « Les principales raisons sont l’économie désastreuse, les problèmes de déchets radioactifs non résolus, la vulnérabilité aux attaques terroristes, les risques techniques restants, la limitation des combustibles nucléaires pour la conception actuelle des réacteurs et la prolifération. »

Breyer note que d’autres technologies vitales pour la transition énergétique, telles que le Power-to-X et l’électrification du chauffage et des transports, entraînent des coûts énergétiques très bas que le nucléaire ne peut concurrencer, alors que les problèmes d’intermittence des énergies renouvelables et de manque de flexibilité évoqués par l’AIE peuvent tous être gérés par le stockage d’énergie et d’autres innovations. Il souligne également que la sous-estimation historique de l’AIE sur les énergies renouvelables est un problème supplémentaire : « Le rapport affirme que la réduction de la part du nucléaire entraînerait une augmentation des coûts pour le système énergétique. Compte tenu des hypothèses de coûts beaucoup trop élevés pour les énergies renouvelables et des hypothèses de coûts trop faibles pour l’énergie nucléaire dans le World Energy Outlook, cela pourrait être le cas pour les scénarios de l’AIE », a-t-il expliqué. « Mais cela enfreint les résultats avec les chiffres de coûts réels : le coût réel de l’énergie nucléaire et le coût réel de l’énergie renouvelable. »

Les déclarations de l’AIE prétendant que « les ajouts de nouvelles capacités [nucléaires] ont été réduits au minimum » et que « la plupart des centrales nucléaires dans les économies avancées risquent de fermer prématurément » ne sont pas loin des conclusions des évaluations annuelles de Mycle Schneider, l’auteur principal du World Nuclear Industry Reports. Selon lui, cependant, il faudrait plus que les changements de politiques recommandés par l’AIE pour relancer le nucléaire. « L’hypothèse de l’AIE selon laquelle la volonté politique serait suffisante pour inverser la tendance et obtenir une augmentation de 80 % de la production mondiale d’énergie nucléaire d’ici 2040 n’est pas prouvée par rapport à la faisabilité industrielle et est en contradiction fondamentale avec les performances historiques de l’industrie au cours des trois dernières décennies », a expliqué Schneider.

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