Entretien avec Mobasolar : Les inventeurs de la terragrif prêchent une révolution PV taillée sur mesure

Share

Les fondateurs de Mobasolar profitent d’un moment de gloire. Dix ans après avoir prédit l’explosion du marché de l’autoconsommation, le carnet de commandes du développeur et distributeur PV alsacien est plein à craquer. Les industriels s’arrachent ses services pour installer près de 1 MW de panneaux solaires depuis janvier 2019. Les produits brevetés par Mobasolar se répandent, ses concurrents peinent à suivre et son marché résidentiel est en plein décollage. Que s’est-il produit au cours de cette décennie pour propulser ainsi les opérations du petit pionnier français de l’autoconsommation ?

« Aujourd’hui quand une société s’adresse à nous, ce n’est plus pour des raisons d’image, de philanthropie ou de subventions, c’est pour réduire ses coûts », explique Christian Brendle, président de Mobasolar. Selon son partenaire Marc Keller, directeur général technique de Mobasolar, les tarifs électriques en France ont augmenté et les prix du photovoltaïque ont chuté au point où le solaire est devenu une évidence financière pour tout consommateur capable de calculer un retour sur investissement.

Même sans intervention du gouvernement, Christian Brendlé et Marc Keller maintiennent que des installations photovoltaïques bien conçues permettent aujourd’hui aux industriels de diviser par deux leur consommation électrique du réseau et d’atteindre des coûts moyens d’énergie avoisinant 0,07 € / kWh hors taxe, assurant un amortissement de leur investissement en moins de dix ans.

Selon Mobasolar, l’autoconsommation non-subventionnée présente un marché tout aussi vaste dans le segment industriel que résidentiel. Afin d’exploiter ce dernier, l’entreprise alsacienne continue de perfectionner deux armes peu conventionnelles : de petites installations photovoltaïques de 1 kWc et la formation de ses consommateurs.

French tech

Les défis du nouveau marché de l’autoconsommation n’intimident pas le porteur de projets et équipementier alsacien qui trace ses propres sentiers depuis ses premiers pas. Fondé en 2009 par Christian Brendlé et Marc Keller, l’entreprise a rapidement gagné une renommée internationale pour l’invention de la TerragrifTM, une lame métallique simplifiant l’incorporation de prises de terre électriques dans les modules photovoltaïques. Avec ce dispositif, Mobasolar a attiré dans sa clientèle certains des plus grands fabricants de panneaux solaires au monde, dont First Solar aux États-Unis, Hanwha QCELLS en Corée du Sud et Trina Solar en Chine, ainsi que les fabricants de support de montage : K2 SYSTEMS…

Les technologies développées par Mobasolar s’étendent notamment à des tables de jardin photovoltaïques, des rangements à vélos solaires et des suiveurs doubles-axes pour optimiser la production de modules photovoltaïques. Au fil des années, l’excentrique distributeur alsacien a diversifié ses activités, proposant aujourd’hui aussi des services de conseil et de développement de projets photovoltaïques permettant de mettre en œuvre son ingéniosité sur le front commercial. Mobasolar est notamment pionnier de l’autoconsommation, un segment du marché photovoltaïque en pleine explosion en France.

« Dès la création de l’entreprise, il y a dix ans, nous avions affirmé que l’autoconsommation serait la solution la plus pérenne pour le photovoltaïque », déclare Marc Keller. « À l’époque personne n’y croyait, aujourd’hui toute le monde s’y engouffre », ajoute son partenaire, Christian Brendlé.

Marc Keller lors de l’installation d’une centrale photovoltaïque en autoconsommation en toiture (2018)

Évangélistes de l’autoconsommation

L’autoconsommation signifie que les consommateurs exploitent l’électricité générée par leurs propres centrales, typiquement par des panneaux solaires installés sur leur toit ou au sol. Bien que cette approche ait été adoptée par quelques 50 000 consommateurs en France depuis 2016, elle demeure marginale en termes de puissance photovoltaïque installée. En France, moins de 40 MW de panneaux solaires ont été installés exclusivement pour de l’autoconsommation face à plus de 7 500 MW raccordés au réseau pour vendre leur électricité ailleurs que sur leur site de production.

En février 2019, Mobasolar a mis en service une centrale photovoltaïque d’autoconsommation de 143 kWc sur le toit du CERP, un distributeur pharmaceutique à Metz. Cette année, le développeur alsacien porte également six autres projets d’autoconsommation sur des sites industriels dans l’Est de la France, représentant près de 1 MW de puissance cumulée.

Selon Christian Brendlé, l’autoconsommation se propage de façon virale parmi les entreprises françaises. Celles-ci envisagent désormais le photovoltaïque comme un investissement fiable pour réduire leurs charges électriques. « Là où Mobasolar est aujourd’hui plus précis que certains concurrents est qu’on fournit une analyse de la consommation [en amont du chantier] avec des propositions dans lesquelles nos clients sont quasiment sûrs de retrouver le retour sur investissement qu’on leur a présenté au départ », affirme-t-il.

Installation photovoltaïque de 143 kWc sur le site industriel de CERP à Metz en France.

1 kWc : unité de la révolution PV

Le défi porte à présent sur comment communiquer ces mêmes opportunités financières aux particuliers pour étendre la pénétration du photovoltaïque du marché industriel au consommateur résidentiel. Selon Marc Keller, les particuliers sont plus difficiles à convaincre que les entreprises. Un obstacle serait leur manque d’affinité en matière de placements d’argent et de consommation énergétique.

« Nous accompagnons les particuliers dans cette démarche en mesurant leur consommation énergétique toutes les dix minutes », explique Marc Keller. « On leur présente ensuite les pics de consommation dus par exemple à leur système de ventilation, à la pompe de leur piscine, à leur machine à laver… Si vous n’avez pas ces données, vous ne pouvez pas expliquer le bénéfice qu’on peut tirer d’une installation photovoltaïque. »

Fort de ces informations, Mobasolar conçoit alors une installation photovoltaïque sur mesure qui recouvre un maximum le profil de consommation énergétique de chaque foyer. L’entreprise dimensionne chaque installation photovoltaïque pour optimiser son retour financier. Sur la centaine de particuliers avec lesquels Mobasolar a travaillé à ce jour, tous sont parvenus à économiser de l’argent en installant des panneaux solaires. La mauvaise nouvelle pour les développeurs de projets photovoltaïques est que la taille optimale de chaque installation est modeste pour le marché du particulier.

« Il ne faut pas rêver, si l’installation photovoltaïque sur votre maison produit 3000 kWh sur l’année [ce qui est déjà dans la moyenne basse des installations résidentielles réalisées à ce jour en France], elle ne sera jamais rentable » affirme Christian Brendlé. « Aujourd’hui on propose plutôt aux particuliers des installations photovoltaïques générant moins de 1500 kWh sur l’année. »

Mobasolar se spécialise à la fois dans les grands chantiers pour l’autoconsommation industrielle et dans les petites installations pour l’autoconsommation résidentielle. Une installation typique pour les particuliers incorpore deux à quatre panneaux solaires de 300 W et peut être installé en toiture pour 1600 à 3200 euros toute taxe comprise, et pour seulement 1200 à 2400 euros dans un jardin.

Fin des subventions

Marc Keller admet que le marché émergent de l’autoconsommation résidentiel implique des dimensions de projet et des gammes de produits auxquels peu de développeurs sont habitués. Mais il soutient que cette approche présente néanmoins des avantages pour les installateurs, les consommateurs et même le contribuable. Premier parmi ceux-ci : l’autoconsommation ne requiert pas de subvention publique.

Contrairement aux enchères et aux tarifs de rachat qui ont dominé l’industrie photovoltaïque à ce jour, l’autoconsommation permet en principe à chaque consommateur de faire des économies sur ses propres factures électriques sans augmenter celles de ses voisins. Selon Christian Brendlé, cette autonomie évite également que des changements politiques perturbent le marché. Dans le passé, en Europe, certains législateurs ont causé un effondrement des ventes en retirant brusquement les subventions supportant les énergies renouvelables ou en accélérant leur déploiement à des vitesses contre-productives.

« On sort d’une période néfaste pour le photovoltaïque », déclare le président de Mobasolar. « Les prix de rachat de l’électricité solaire en revente totale ont été exorbitants en France par rapport à la valeur de cette électricité sur le marché. »

Selon lui, les consommateurs remboursent à présent les pertes financières engendrées par ces subventions publiques via des augmentations du prix de l’électricité en France. Christian Brendlé accuse les tarifs de rachat de répandre les énergies renouvelables de façon inutilement couteuse. Il leur reproche également d’avoir incité de nombreux développeurs français à surévaluer les besoins énergétiques de leurs clients afin de leur vendre des installations plus chères dont ceux-ci n’avaient pas besoin.

« Des sociétés d’éco-délinquants se sont engouffrés dans le secteur photovoltaïque en promettant des économies d’énergie aux consommateurs qui ne tenaient simplement pas la route », affirme Christian Brendlé qui estime que leur manque de professionnalisme a terni l’image du photovoltaïque en France. « On doit maintenant expliquer aux particuliers ce qu’est l’autoconsommation afin de leur redonner confiance en la technologie photovoltaïque. Aujourd’hui la difficulté n’est pas de proposer des solutions rentables. C’est d’évangéliser. »

The views and opinions expressed in this article are the author’s own, and do not necessarily reflect those held by pv magazine.

Ce contenu est protégé par un copyright et vous ne pouvez pas le réutiliser sans permission. Si vous souhaitez collaborer avec nous et réutiliser notre contenu, merci de contacter notre équipe éditoriale à l’adresse suivante: editors@pv-magazine.com.