Le point de vue d’Enerplan — Photovoltaïque et bâtiment en France : un pas en avant, deux pas en arrière

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Une réglementation en voie d’assouplissement pour l’autoconsommation collective

Pour l’autoconsommation collective, l’étau se desserre avec la parution de l’arrêté du 21 novembre qui met en œuvre la promesse de juin 2018 d’un périmètre géographique étendu à 1km de rayon. Attendu et salué par la profession, l’extension du périmètre va permettre une simplification pour les porteurs de projets.

Restent les limites de la loi qui restreignent à la basse tension sont un handicap, en particulier pour les collectivités territoriales qui ont des installations en moyenne tension (cantines scolaires, centres techniques municipaux, piscines…) qui sont exclues de l’opération. Par ailleurs, la limitation à 5 ans de l’expérimentation, si l’on ne doute pas de sa pérennité, n’est pas de nature à favoriser un engagement massif des porteurs de projets pour ce type d’opérations.

Notre constat, si seuls vingt projets d’autoconsommation collective sont en service à fin 2019 et que les projets en cours stagnent autour d’une centaine – dont un grand nombre n’aboutira pas – ce n’est pas l’extension du périmètre qui va résoudre l’équation économique de rentabilité des projets. Et malheureusement, tout indique que le projet de Loi de Finances 2020 ne sera pas celui du réveil de l’autoconsommation collective.

Reste une taxation inéquitable qui plombe le modèle économique

L’étude conjointe menée par Enerplan et SIA Partners présentée en septembre l’a montré, il n’y a pour le moment pas d’équilibre économique pour l’autoconsommation collective. Aujourd’hui, aucune aide nationale explicite n’existe pour ces opérations, qui se voient êtres redevables de taxes qui plombent le modèle économique du partage d’électrons vertueux.

Ainsi la TICFE, taxe nationale à laquelle s’ajoute la taxe locale TCFE pour atteindre de 25,6 à 32,1 €/MWh, est applicable aux électrons solaires d’une opération d’autoconsommation collective. Cette taxe (ex-CSPE) avait pour objet initial de permettre le financement des énergies renouvelables. L’autoconsommation collective est une contribution en nature à cet objectif de développement d’électricité renouvelable.

Une revendication simple d’Enerplan est de permettre l’exonération de TICFE pour les électrons solaires partagés, afin non seulement d’améliorer le modèle économique des projets que le gouvernement souhaite favoriser, mais aussi de maintenir une égalité entre français. Car ceux qui autoconsomment dans leur maison individuelle bénéficient déjà d’une électricité solaire exonérée de cette taxe. Il n’est pas juste de taxer l’électricité solaire pour ceux qui habitent en logement collectif. Il s’agit d’une mesure qui relève de l’équité entre autoconsommateurs.

Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? 

Las, le ministère s’oppose à cette solution simple d’exonération, lui préférant un cadre de subvention qui pourrait être celui des appels d’offres. Il y aurait ainsi la perception de la taxe, qui servirait in fine à financer des subventions pour ces mêmes installations, créant au passage des frais de perception de la taxe, d’instruction des dossiers, de versement des aides publiques… En clair, un système où les « Shadoks » génèrent des complexités supplémentaires pour les porteurs de projets. L’exonération de TICFE est-elle une mesure trop simple et trop efficace pour être envisagée ?

Rendez-vous est d’ores et déjà est pris avec les ministères en début d’année prochaine, afin de plaider à nouveau en faveur de la simplicité et de l’équité pour 2021.

La future réglementation environnementale du bâtiment neuf « expulse » le photovoltaïque

Les premiers arbitrages structurants pour la future réglementation environnementale du bâtiment neuf ont été rendus début novembre. Ils sont particulièrement défavorables au photovoltaïque. Ainsi, l’ambition que nos bâtiments neufs soient à énergie positive, forgée par la loi sur le Grenelle de l’Environnement en 2007, serait abandonnée. Il ne sera pas imposé que les nouveaux bâtiments produisent plus d’énergie qu’ils n’en consomment. La méthode de calcul retenue et le périmètre des consommations prises en compte expulsent de facto le photovoltaïque de la future Réglementation Environnementale 2020 des nouveaux bâtiments. « Le ministère de l’écologie assume une RE2020 qui privilégie l’électricité sans souhaiter le photovoltaïque, c’est une folie que rien ne justifie », selon Lætitia Brottier, vice-présidente photovoltaïque Bâtiment d’Enerplan.

Cela prépare-t-il une future défaite industrielle du smartgrid ?

Ces embûches au déploiement d’opérations de production/consommation locale d’électricité solaire partagée, ainsi que la désincitation réglementaire au PV pour les nouveaux bâtiments, risquent d’induire une future défaite industrielle dans les smartgrids. Car freiner fort sur la décentralisation optimale de la production/consommation d’électricité solaire, c’est aussi renoncer aux innovations qui vont avec (blockchain, pilotage, flexibilité…). Des innovations qui sont au cœur des solutions smartgrid, dont notre industrie a besoin dans la compétition internationale de la transition énergétique. Si la volonté de développer l’industrie française porteuse d’innovation est dans tous les discours publics, “en même temps” le pied est lourd sur le frein pour protéger le modèle issu du passé !

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