Zones non interconnectées : autonomie électrique possible, mais l’horizon 2030 incertain (Ademe)

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Fruit d’un travail sur l’autonomie énergétique comme inscrit dans la loi de transition énergétique pour une croissance verte (LTECV) de 2015, l’Agence de la transition énergétique, comme elle se présente désormais, passe en revue les six ZNI (Mayotte, La Réunion, Guadeloupe, Martinique, Guyane et Corse) en détail. Le solaire y a partout un rôle, plus ou moins prépondérant, en fonction de la situation géographique des régions concernées. L’Ademe se focalise clairement sur les deux derniers scénarios qui permettent d’atteindre l’objectif assigné à l’étude : l’autonomie énergétique.

Tous feux verts

Malgré des gisements très différents d’un territoire à l’autre, pour des raisons géographiques ou de choix politiques, les potentiels ENR locaux retenus ici sont suffisants pour assurer un mix électrique 100 % renouvelable tout en satisfaisant l’ensemble de la demande électrique à tout instant (c’est-à-dire au « pas » horaire), indique l’étude. Les chiffres clés du scénario « Tous Feux Verts » dont le mix électrique est 100 % renouvelable sont représentés ci-après (voir tableau).

Cependant, l’atteinte de l’autonomie énergétique ne semble toutefois pas réalisable d’ici 2030 en raison du rythme élevé qu’elle implique pour le déploiement des filières renouvelables, signale l’Ademe. Par exemple, pour atteindre l’objectif d’autonomie fixé par la LTECV, la Réunion devrait déployer environ 1 000 MW de PV en 15 ans, alors que la PPE en cours porte un objectif de 120 MW supplémentaires pour 2023, insiste l’agence de l’environnement.

Du fait de l’absence d’investissement dans les énergies fossiles (par hypothèse), et sous l’effet d’un bilan économique favorable, la part d’énergie renouvelable dans le mix augmente intrinsèquement au fil des années pour couvrir la demande supplémentaire. Compte tenu des coûts complets observés, ce résultat serait également conservé si l’on avait autorisé les investissements dans les énergies fossiles, indique l’étude.

Des coûts qui n’explosent pas

« D’une façon générale et plutôt contre intuitive, il est important de noter que sauf cas particulier, les scénarios contraints à 100% d’ENR (deux dernières colonnes de droite, en millions d’euros, ndlr) n’engendrent pas d’explosion des besoins d’investissement, » signale l’Ademe.

Pour les territoires de Mayotte, la Réunion et la Martinique, la forte augmentation des investissements pour l’atteinte de l’autonomie énergétique résulte de la saturation des potentiels ENR disponibles qui impose à l’algorithme d’investir dans des moyens de productions coûteux comme l’ETM (l’énergie thermique des mers), l’éolien offshore cyclonique ou le photovoltaïque résidentiel.

L’Ademe explique ainsi en outre que « pour la Guyane, l’ensemble des scénarios conduit à des investissements inférieurs à ceux du scénario « Tendanciel ». A Mayotte, la faiblesse du potentiel renouvelable conduit à d’importants investissements pour remplacer la production conventionnelle. En effet, les scénarios non contraints conservent une part conséquente de production diesel. »

Par ailleurs, l’étude constate qu’afin d’accéder à une autonomie électrique renouvelable, la Réunion, la Guadeloupe et la Martinique devraient investir respectivement, 2,6 ; 1 et 2 milliards d’euros. Ces sommes sont à mettre en perspective avec l’investissement nécessaire des scénarios tendanciels. Le besoin en investissement du scénario « Vers l’Autonomie Energétique » est identique à celui du « Tendanciel » pour la Guadeloupe. En revanche, il est nettement supérieur par rapport aux scénarios tendanciels respectifs de la Martinique (+42 %) et la Réunion (+68 %). Cette augmentation s’explique par une demande supérieure qui mobilise une grande partie du potentiel et contraint le système à investir dans des technologies plus coûteuses comme des installations PV moins productives ou encore de l’éolien offshore. Compte tenu du taux d’apprentissage technologique, cet effet serait atténué si l’horizon d’optimisation était plus éloigné, comme c’est le cas pour la Corse. Par ailleurs, en Guadeloupe, l’investissement du scénario « Tous Feux Verts » est inférieur à l’investissement du « Tendanciel » (-28%) alors qu’il est légèrement supérieur pour la Martinique (2 %) et la Réunion.

Enfin, pour la Corse, les scénarios non contraints bénéficient des interconnexions pour limiter les besoins d’investissement.

 

Les cinq scénarios envisagés

  1. Un scénario tendanciel qui reprend les tendances actuelles qui sont projetées à l’horizon d’optimisation.
  2. Un scénario avantage thermique qui offre un contexte favorable aux énergies conventionnelles avec des coûts de combustibles et une taxe carbone faible.
  3. Un scénario avantage technologique qui donne un contexte favorable aux développement des nouvelles solutions de production d’énergie renouvelable avec une taxe carbone plus élevée et un accès précoce à de nouvelles technologies.
  4. Un scénario tous feux verts qui correspond à une autonomie électrique : tous les besoins en électricité sont couverts à partir d’une énergie primaire locale et non fossile.
  5. Un scénario vers l’autonomie énergétique qui prend en compte également la demande électrique qu’aurait le parc de véhicules routiers si on passait tous les véhicules particuliers et les véhicules utilitaires légers thermiques vers une motorisation électrique. Dans ce scénario, les besoins en électricité du territoire mais aussi une importante partie des besoins en transport sont donc couverts par de l’énergie produite localement : ce scénario s’approche de l’autonomie énergétique.

Les 2 derniers scénarios « contraints » portent deux contraintes fortes : les importations d’énergie sont interdites et l’objectif ENR est ciblé à 100 % en fin de trajectoire. En particulier, on considère dans ces scénarios que la biomasse utilisée doit être produite localement. Le modèle d’optimisation prend alors en compte ces 2 contraintes pour déterminer le mix électrique correspondant à l’optimum technico- économique. Le contexte favorable aux EnR ainsi que l’objectif 100 % renouvelable sont similaires aux 2 scénarios qui se distinguent principalement par une demande énergétique différente.

Limites à l’étude

L’Ademe concède plusieurs limites à l’étude. D’abord, l’objectif 2030, imposé par la LTECV, peut être décalé dans le temps sans être préjudiciable à l’objectif de l’autonomie énergétique. Ensuite, côté réseau, en l’état de l’art, « les outils de modélisation utilisés pour l’analyse de stabilité des systèmes électriques obtenus sont basés sur un ensemble d’équations destinées à des systèmes actuels composés principalement de machines tournantes synchronisées au réseau. » ce qui signifie qu’avec 100% d’ENR non pilotables, cela suppose du stockage et de la gestion par électronique de puissance, avec les études ad hoc nécessaires. En outre, les coûts sont calculés hors impôts taxes et marges, mais ils intègrent une taxe carbone structurante. Enfin, l’étude mérite d’être approfondie du côté de l’impact sur l’emploi et l’économie, sans oublier l’environnement… A suivre donc…

 

 

 

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