L’acteur de la semaine : Enerparc, ou l’implantation d’un développeur allemand en France

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Pouvez-vous nous parler de la présence d’Enerparc en France ?

Paul Hörnicke

Image : Enerparc

Paul Hörnicke : Créé en 2008, Enerparc est un développeur et exploitant de parcs photovoltaïques basé à Hambourg. La société a raccordé à ce jour près de 3 470 MW de puissance dans le monde, dont 2 400 MW dans notre propre portefeuille. Nous sommes également présents en France depuis 2010. A cette époque, notre modèle était de travailler avec des partenaires locaux, en rachetant des projets en phase finale de développement pour les construire en maîtrise d’ouvrage. Nous avons ainsi réalisé six parcs jusqu’en 2013, pour une puissance d’environ 50 MWc.

Après une phase pendant laquelle nous avons ralenti notre focalisation sur ce marché, nous sommes de nouveau très actifs depuis 2016. Nous avons notamment ouvert notre propre bureau à Bordeaux en 2019, avec une petite équipe polyvalente connaissant bien la culture et le marché français. Au total, nous avons actuellement huit parcs en exploitation, pour un total de 120 MWc, dont celui de Marville, construit en partenariat avec TSE. Installé sur un ancien aéroport de l’OTAN, il s’agit de la deuxième plus grande centrale solaire de France avec une puissance de 152 MWc.

Inaugurée en septembre 2021, la centrale de Marville (dans la Meuse) est implantée sur le terrain d’un ancien aérodrome de l’OTAN.

Image : Enerparc

Et quels sont vos objectifs de croissance sur le marché français ?

Marceau Leroux

Image : Enerparc

Marceau Leroux :  Notre objectif est de croître de façon raisonnée et régulière. Nous espérons ainsi embaucher deux nouveaux collaborateurs chaque année pour étoffer notre bureau et atteindre 13 collaborateurs d’ici à 2025. En termes de feuille de route, alors que nous avons 250 MWc actuellement à différentes phases de développement, nous visons 1 GW en développement d’ici à 2026-2027, dont la moitié concernant des projets finalisés. Pour cela, nous opérons seuls mais nous sommes aussi ouverts à des propositions de partenaires, qui pourraient nous apporter des terrains qui correspondent à nos critères de recherche (proximité du réseau, nature du foncier…).

Pour 2022, nous avons un projet de 15 MWc en cours d’enquête publique que l’on souhaite proposer prochainement aux appels d’offres de la CRE et un autre de 10 MWc dont nous espérons obtenir le permis de construire dans le courant de l’année.

Vous avez aussi une longue expérience dans le développement de parcs solaires en Allemagne. Quelles différences voyez-vous avec la France ?

Paul Hörnicke : La France est certainement un marché-clé du photovoltaïque en Europe, avec un grand potentiel en ensoleillement et en superficie, le pays étant plus grand que l’Allemagne. Pourtant, si l’on compare nos deux pays, le développement des projets photovoltaïques dans l’Hexagone est aussi plus complexe et plus long en raison de la lourdeur des procédures d’obtention des autorisations.

Marceau Leroux : Plusieurs mesures favorables ont été actées ces dernières années, comme le guichet ouvert 500 kWc ou la loi Énergie-Climat. Nous voyons donc une réelle volonté de la part de l’État et cela va dans le bon sens. Dans le même temps, à l’échelon régional, nous avons l’impression que cette priorité ne se reflète pas systématiquement dans le dialogue avec les services administratifs déconcentrés, par exemple avec certaines DREAL (Direction régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement). La multiplication des interlocuteurs rend l’instruction des dossiers parfois contradictoire, d’autant qu’ils sont chacun soumis à des injonctions différentes (développement des énergies renouvelables, lutte contre l’artificialisation des sols, protection de la biodiversité, code de l’urbanisme…). Il n’est donc pas facile de défendre un projet ou le choix d’un terrain.

Pour cette raison, nous avons été obligés d’abandonner deux projets en deux ans, qui avaient respectivement un potentiel de 15 et 30 MW. Au-delà de la frustration, cela a aussi un impact important sur les coûts de développement, ce qui explique en partie pourquoi ces derniers restent plus élevés qu’en Allemagne.

Le parc de Villeneuve d’Entraunes (Alpes Maritimes), mis en service en novembre 2014, pour une puissance de 2,8 MWc et projet lauréat de CRE 1.

Image : Enerparc

Qu’est-ce qui pourrait être amélioré selon vous ?

Paul Hörnicke : Pour citer un exemple, en Allemagne, le développeur a la possibilité de sécuriser la connexion au réseau de son parc très tôt, dès qu’il peut prouver à l’opérateur que son projet est bien avancé. En France, le risque lié au raccordement au poste source persiste jusqu’à la toute fin du projet.

D’autre part, il y a un travail à faire dans la communication avec les instances régionales qui ne sont pas toujours au fait des informations demandées par la CRE et le Ministère de la transition écologique. Les critères d’éligibilité d’un terrain pourraient également être mieux hiérarchisés.

Vous êtes également concernés par la renégociation des tarifs d’achats S06-S10. Comment réagit un acteur allemand à ce type de situation plutôt… inédite ?

Paul Hörnicke : Deux parcs de 1,6 et 2,5 MWc entrent en effet dans le cadre de la renégociation des tarifs d’achat. Selon nos premières estimations, la baisse de tarifs serait respectivement de 54 % et 48 % par rapport au tarif initial qui était de 30 centimes. Cela représente une perte très importante. Si cette diminution était confirmée, cela signifierait que les sociétés de gestion de ces deux centrales ne seraient plus en mesure de respecter leur contrat de financement, ni de rembourser la dette.

Comme le prévoit le Ministère de la transition écologique, elles vont donc devoir renégocier leurs contrats avec les banques, les propriétaires du terrain, les services opération et maintenance… Non seulement c’est tout à fait inhabituel, mais en plus, un acteur étranger, comme nous ou d’autres, n’est pas préparé à cela et n’a pas forcément le personnel francophone en interne formé. Il doit donc faire appel à une aide extérieure. Tout ceci a un coût énorme, en termes financiers et de temps, sans compter l’impact sur la confiance accordée à la parole de l’État et à la pérennité des projets en France.

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