[Série Régions] Comment les Hauts-de-France financent le développement du photovoltaïque

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Qui a dit que les Hauts-de-France manquaient de soleil ? Pas le Conseil régional en tout cas qui a lancé depuis plus de dix ans une politique volontariste en matière de développement de l’énergie photovoltaïque. « Fin 2022, nous étions à 370 MW de puissance raccordée, chiffre Frédéric Motte, Conseiller régional délégué à la transformation économique de la région et président de la Mission REV3 dans un entretien avec pv magazine France. L’objectif est de progresser à environ 878 MW en 2026 ». Plus globalement, la feuille de route de la région veut doubler la production des énergies renouvelables (hors éolien) d’ici à 2030, afin de combler son retard : les EnR représentent à ce jour environ 8 % de la consommation globale d’énergie, contre 15 % au niveau national.

Corsica Sole a inauguré le 25 mai la centrale du Moulin de Beuvry, implantée sur une friche industrielle de la commune de Labourse dans le Pas-de-Calais. Equipée de 12 300 panneaux bifaciaux, elle déploie une puissance de 5 MWc.

Image : Corsica Sole

Fin juin 2020, la région avait donc estimé, dans la mise à jour de son projet de Schéma régional d’Aménagement de Développement durable et d’Égalité des Territoires (SRADDET), que la production d’énergie solaire devrait pouvoir atteindre les 1778 GWh en 2031. Toutefois, en février dernier, le texte a été partiellement retoqué par le tribunal administratif de Lille pour manque d’ambition dans l’éolien terrestre. Les élus avaient en effet décidé de geler sa progression et de le maintenir son niveau actuel (7 800 GWh à fin mai 2018) pour se concentrer sur les autres filières renouvelables. Difficile donc à ce stade de savoir ce qu’il en sera pour le solaire dans la nouvelle mouture.

La région favorise l’autoconsommation innovante

Toujours est-il que, pour croître dans le photovoltaïque, la région mise avant tout sur l’autoconsommation et le stockage, qu’elle soutient financièrement. À travers le fonds Fratri (Fonds Régional d’Amplification de la troisième Révolution Industrielle), cofinancé avec l’Ademe, les Hauts-de-France accompagnent depuis 2016 les maîtres d’ouvrage dans leurs projets photovoltaïques en autoconsommation individuelle et collective. Près de 80 installations ont ainsi pu être accompagnées à hauteur de 1,8 million d’euros. « Désormais, nous avons davantage vocation à soutenir les projets en autoconsommation qui comportent une innovation spécifique comme le stockage d’énergie, les smartgrid, ou encore des boucles d’autoconsommation collective sans revente », poursuit Frédéric Motte.

La centrale solaire de Pont-sur-Sambre (Nord), mise en service en janvier 2021.

Image : TotalEnergies

C’est dans ce cadre qu’a été lancé un appel à projets pour 2023 et 2024 reposant sur deux axes : l’aide à la décision (concertation, assistance à maîtrise d’ouvrage, études de faisabilité techniques…) pourra être financée à hauteur maximum 50 % (plafonné à 40 000 euros), tandis que l’aide à l’investissement pour des centrales solaires sur toiture, en autoconsommation totale, d’une puissance comprise entre 36 et 500 kWc et intégrant une innovation, pourra également faire l’objet d’un mécanisme de soutien de la région calculé en fonction de l’analyse économique du projet.

Actionnariat dans plusieurs SPM

« Pour accompagner le développement des centrales solaires de grande surface, la région a également créé la société d’énergie mixte SEM Energies Hauts-de-France, dont elle est le principal actionnaire aux côtés de quatre collectivités territoriales et d’acteurs bancaires et énergétiques », complète Frédéric Motte. Cet outil de tiers-financement est déjà entré dans le capital de plusieurs SPM, comme par exemple dans celui de la Société Anonyme “SPES du Cambrésis 2”, portant la seconde tranche du projet de centrale solaire au sol située sur l’ancienne base militaire de Niergnies (59). « Le fait d’apporter un apport en fonds propres (de 50 à 500 k€) apporte de la crédibilité aux porteurs de projets auprès des banques et leur permet d’emprunter plus facilement », assure l’élu.

La région avait sélectionné l’entreprise Reservoir Sun pour solariser les toitures de 76 lycées. En raison de la hausse des matériaux et de difficultés d’approvisionnement, seuls cinq seront équipés dans une première phase.

Image : Hauts-de-France

4 000 emplois non délocalisables

Autant de soutiens financiers directs et indirects voulus par la région qui voit, au-delà de la décarbonation de son mix énergétique, les énergies renouvelables comme un vecteur de transformation de son économie et de son tissu industriel. « Cette filière possède un fort potentiel avec 4 000 emplois non délocalisables à l’horizon 2030 et 23 millions d’euros d’investissements cumulés entre 2015 et 2050 », souligne ainsi un document de la région. Cette vision a un nom : la dynamique collective REV3, la « Troisième révolution industrielle en Hauts-de-France », qui vise à concilier économie et écologie et à faire de la région l’une des plus avancées en matière de transition énergétique.

La centrale solaire de Niergnies (59) a bénéficié du soutien de la SEM Energies Hauts-de-France, de la Banque des Territoires et du fonds CAP3RI (Crédit Agricole Nord de France, Banque Européenne d’Investissement, Groupama et Région).

Image : Sun'R

Pour la mettre en œuvre, les Hauts-de-France ont donc créé la société d’investissement REV3 Capital, dotée de 40,5 millions d’euros, avec une structure originale combinant fonds publics (région et banque européenne d’investissement) et fonds privés (Crédit Agricole Nord de France et Groupama Nord-Est). Gérée par la société Nord Capital Partenaires, avec le concours de Finorpa, celle-ci a pour mission de faciliter le financement haut de bilan de projets liés à la transition énergétique et/ou le numérique et investit en capital-développement sur un horizon de 7 à 9 ans, et un ticket d’investissement compris entre 0,5 à 4 M€. Le porteur de projet peut aussi bénéficier d’une assistance technique (limitée à 100 00 par bénéficiaire) visant à qualifier économiquement et techniquement son projet.

« En plus de ces aides, les Hauts de France se sont aussi dotés de plusieurs outils pour structurer la filière des énergies renouvelables », rappelle Frédéric Motte. Fondé en 2018, le Collectif régional de l’énergie solaire (Corésol) réunit aujourd’hui une soixantaine d’acteurs (associatifs, institutionnels, syndicats, grands groupes, PME et TPE régionales et décideurs publics). A ses côtés, le CD2E, réseau de 200 membres, assiste les maîtres d’ouvrage (territoires, bailleurs sociaux, industriels, agriculteurs) dans leurs projets d’installations solaires, et accompagne les fabricants, concepteurs, installateurs, exploitants, … dans la massification de l’énergie solaire. Tout au long de l’année, des ateliers, des formations et des évènements, destinés aux professionnels et aux experts du bâtiment durable, de l’économie circulaire, des énergies renouvelables et de l’achat public durable sont organisés sur les trois sites de Loos-en-Gohelle, Lille et Amiens. L’objectif : réunir différents acteurs d’une même filière afin de créer une dynamique autour de pratiques vertueuses à grande échelle, en vue de la généralisation de la transition énergétique.

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