[Entretien] Xavier Daval prône la double voie pour le marché solaire européen

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Alors que les prix des modules solaires chinois n’ont jamais été aussi bas, l’Europe presse au développement des énergies renouvelables sur le territoire et à la relocalisation de la chaîne de valeur de la fabrication des produits photovoltaïques sur son territoire. De telles ambitions rencontrent encore peu de transcriptions concrètes dans les politiques européennes et nationales, même si l’on note quelques avancées dont l’intégration d’un objectif d’approvisionnement local de 40 % dans la loi sur l’industrie nette zéro (NZIA).

Pour répondre à l’urgence de la situation et soutenir les fabricants européens existants qui n’arrivent pas à faire face à la concurrence chinoise, nos voisins allemands discutent d’une proposition visant à mettre en place un bonus de résilience pour favoriser l’installation de panneaux fabriqués en Europe.

Pour Xavier Daval, président du cabinet KiloWattSol et membre de la commission solaire du Syndicat des énergies renouvelables (SER), il faut absolument que l’industrie solaire européenne fasse front commun pour « permettre l’émergence d’une alternative européenne, sans casser la dynamique solaire qui est soutenue par une offre abondante et économique de produits chinois ». Dans un entretien avec pv magazine France il explique pourquoi, selon lui, l’Europe doit se créer une voie sur le modèle avancé par l’initiative allemande, quitte à faire cohabiter deux marchés « car les Européen ne peuvent pas s’exclure de ce qui sera le vecteur énergétique du 21e siècle ».

pv magazine France : Vous soutenez la proposition allemande d’un bonus résilience pour les panneaux européens. En France, existe-t-il des initiatives similaires sur le marché ? 

Xavier Daval : Non pas encore, nous sommes toujours sous le régime de la note Carbone, que nous sommes le seul pays européen à avoir implémenté et qui avait pour objet de mettre un seuil qualitatif aux produits importés. Ce que proposent les Allemands va plus loin et me semble pertinent. Il faut assumer la volonté de se réapproprier l’amont du marché solaire, sans pour autant faire insulte à nos partenaires chinois à qui nous devons l’essor de ce marché.

Si l’on encourage financièrement les producteurs qui optent pour les panneaux européens tout en laissant entrer les panneaux chinois à bas prix, on ouvre la voie à un double marché. Comment les différents pays et acteurs européens pourraient se coordonner afin de structurer ce marché secondaire ? Quelle serait la taille du marché « subventionné » selon vos estimations ?

La solution de couloirs de nage différents, propres à chaque région d’origine, me semble la plus élégante, mais elle ne solutionne pas tout. En effet, si l’effondrement des prix que nous constatons depuis un an a une part conjoncturelle pour encore quelques années, le différentiel de prix entre l’Europe et la Chine restera difficile à rattraper : la taille des usines, le prix de l’énergie sont déjà deux hypothèses structurantes du prix des panneaux pour lesquelles nous partons avec un fort désavantage. L’Europe limite la part de l’aide apportée aux acteurs locaux. Nous devons faire avec, en modulant volume et niveau de support au cours du temps, en fonction de la vitesse à laquelle nous pourrons rattraper notre retard.

Plusieurs acteurs de l’industrie, dont les grands installateurs PV, s’opposent à la mise en place de mesures en faveur de l’industrie européenne. Ils craignent notamment la fin des bas prix et les difficultés d’approvisionnement qui pourraient apparaître avec la baisse des volumes d’importation chinois. Est-ce que les modèles d’affaires basés sur le photovoltaïque très peu cher et sans activité d’exploitation à long terme pourraient être remis en question ?

Je crois qu’il faut être raisonnable, nous ne pouvons pas dire un jour que nous avons besoin du soutien public (via les tarifs ou les appels d’offres) et le lendemain que nous ne sommes pas solidaires d’une ré-industrialisation. Nous serons d’autant plus légitimes à invoquer l’État que nous serons adossés à une industrie locale créatrice d’emplois. Je tiens immédiatement à préciser qu’il ne faut pas non plus dénigrer les acteurs du développement qui ont massivement recruté et investi ces dernières années. Mais il faut aussi penser aux Français qui pourraient mal juger l’aide qui nous a été donnée. Je vois cette relance industrielle comme une belle opportunité pour la filière solaire.

En Allemagne, la mise en place du bonus de résilience se confronte à la problématique financière alors que le gouvernement est plutôt enclin à soutenir les énergies renouvelables. En France, où les pouvoirs publics ont du mal à remplir leurs objectifs EnR, pensez-vous que la mise en place de nouvelles subventions publiques pour le solaire soit envisageable ?

Je crois que l’ancien modèle de la note carbone touche à ses limites. Il est largement contourné par certains acteurs qui ont compris la méthode. Je crains que tout le silicium norvégien ne suffira pas à approvisionner tous ceux qui le revendiquent dans leurs bilans ECS. Et si une aide publique existe, le législateur a la main pour décider d’en affecter une partie selon un mode nouveau.

En France, le bilan carbone a été un premier pas vers une sélection de l’offre. Quels seraient d’autres critères qui pourraient, selon vous, favoriser les panneaux européens ?

Malheureusement je n’ai pas trouvé de meilleure idée. Je crois vraiment qu’il faut assumer une forme de protectionnisme, au nom de la souveraineté industrielle. Nous ne pouvons pas renoncer à exister sur le vecteur énergétique du 21e siècle.

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