[Entretien] « Grâce à l’IA et à la photonique, le photovoltaïque passera d’un marché de produits à un marché de services »

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En tant que directeur de l’innovation chez Feedgy, qui travaille sur le repowering des centrales en exploitation notamment grâce à des outils digitaux, quelle est votre vision de l’innovation, pour le secteur photovoltaïque en particulier ?

Laurent Thibaudeau, directeur Innovation de Feedgy.

Image : Feedgy

Laurent Thibaudeau : depuis dix ans chez Feedgy, nous plaçons l’innovation au cœur de notre développement. C’est le fondateur, Harold Darras, qui a souhaité impulser cette dynamique particulière. Plutôt que de faire avec l’existant, ce qui est tout à fait possible et qui fonctionne pour de nombreuses entreprises, cette approche consiste à se demander : comment anticiper pour être prêts demain ? Nés dans le giron de EiT InnoEnergy, nous avons ainsi une équipe dédiée, forte de dix brevets et constituée d’une dizaine de chercheurs et d’ingénieurs.

Aujourd’hui, nous souhaitons imprimer une dimension nouvelle dans l’activité solaire, c’est pourquoi nous avons recruté des docteurs dans des domaines variés : digital, photonique, agronomie, optique, modélisation, IoT et datascience… Toutes ces compétences doivent être couplées pour nous permettre de produire des innovations de pointe, qui vont révolutionner le marché.

Dans ce cadre, Feedgy s’intéresse à l’intelligence artificielle. Que peut-elle apporter au secteur photovoltaïque ?

L’IA est une révolution dans tous les domaines. Dans le secteur photovoltaïque, elle permet de créer toute une nouvelle gamme de services. Ces prochaines années, grâce à l’IA, on va ainsi passer d’un marché très concret, très classique (développement, construction, maintenance), à un marché orienté vers des services innovants qui bousculeront la chaîne de valeurs historique.

C’est le cas par exemple pour le diagnostic de performance des centrales et pour le repowering. Il y a quelques années encore, si l’on suivait la performance des centrales, c’était de façon très classique, avec des outils rudimentaires. De même avant de proposer un repowering, on établissait un diagnostic santé de la centrale. Entre la récupération et l’analyse des données multiples par un ingénieur, il pouvait parfois s’écouler des jours ou des semaines. Aujourd’hui, grâce au digital et à l’IA, on récupère toutes les données de façon quasi-instantanée. Il faut seulement quelques minutes pour lancer une analyse et connaître l’état de santé d’une centrale. Le gain est phénoménal ! Et le diagnostic, de plus en plus précis.

C’est-à-dire ? Quels sont les gains potentiels ?

L’axe digital nous permet aussi de proposer une nouvelle gamme de services dans le sillage du diagnostic : en digitalisant l’ensemble de la démarche (diagnostic, mais aussi études de dimensionnement, compilation et édition de documents, autorisations), on peut réduire significativement la durée de mise en place des projets. Cela nous permet de proposer une prestation clé en main et d’accompagner le client bien après le diagnostic.

Pour prendre un autre exemple, très différent, l’IA permet aussi de mieux vendre l’électricité de nos clients. Dans le cadre de la revente locale ou de l’autoconsommation collective, elle permet d’optimiser la répartition de l’électricité produite entre les différents consommateurs en s’appuyant sur des algorithmes qui prennent en compte les profils de production et les profils de consommation. Le bénéfice est double : le producteur peut revendre son électricité à un tarif plus élevé que les tarifs de rachat actuels, le consommateur peut acheter son électricité à un tarif plus faible avec une visibilité à long terme. C’est un marché très dynamique, notamment grâce aux start-ups qui innovent dans ce domaine. D’ici quelques années, j’en suis persuadé, l’IA va ainsi permettre de fédérer des communautés de consommateurs engagés, soucieux de leur consommation électrique et en quête de transparence sur la provenance de l’électricité consommée.

Vous parlez également de photonique. Quelle est cette science ? Comment s’applique-t-elle aux panneaux solaires ?

La photonique est une branche de la physique qui s’intéresse à la génération, à la détection, à la transmission ou à la conversion de la lumière. Elle porte plus précisément sur le contrôle de la propagation et de l’interaction avec la matière des photons, ce qui permet d’exploiter de nouveaux phénomènes physiques et de donner naissance à des innovations de rupture dans de nombreux domaines : éclairage, défense, santé, télécommunications… et bien sûr aussi, la production d’électricité photovoltaïque. C’est clairement l’une des technologies qui va bouleverser le secteur ces prochaines années.

Un exemple : la photonique peut augmenter la performance des modules en optimisant leur pourcentage d’absorption du rayonnement solaire. Il faut pour ce faire intégrer aux cellules PV des composants, comme par exemple un cristal photonique ou des convertisseurs de lumière, qui permettent d’utiliser au mieux le rayonnement solaire. Nombre de laboratoires s’intéressent à cette discipline encore expérimentale qui permettra le développement des futures générations de cellules photovoltaïques.

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