En Wallonie, le tarif prosumer reporté au 1er octobre 2020

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La problématique concerne la participation aux frais d’utilisation et de maintenance du réseau de distribution d’électricité. Jusqu’à présent, en Wallonie, les « prosumers » (les autoconsommateurs) n’y contribuaient pas. Dotés d’un compteur qui tourne mécaniquement dans un sens lorsque l’on prélève l’électricité et dans l’autre sens lorsqu’on en injecte, ils bénéficiaient d’un système de net-metering (facturation nette) basé sur la différence entre l’énergie solaire produite et l’énergie consommée annuellement. « Si, sur l’année, le prosumer produit la même chose que ce qu’il consomme, il ne paye presque plus rien en fin de compte », explique Benjamin Wilkin, le secrétaire général de l’APERe, l’association pour la promotion des énergies renouvelables, à pv magazine. « D’un côté, ce système d’incitation est motivant pour l’achat de systèmes photovoltaïques résidentiels, mais, de l’autre côté, il constitue une charge financièrement plus lourde à mesure que les prosumers se généralisent. »

En outre, la situation n’est pas équitable pour tous les utilisateurs du réseau, estime le régulateur de l’énergie wallon, la Cwape. Pour y remédier, il préconise depuis longtemps l’introduction d’un « tarif prosumer », un tarif qui « vise à ce que tout utilisateur, prosumer comme non-prosumer, qui soutire de l’énergie sur le réseau (par exemple en hiver, par temps nuageux ou encore la nuit) contribue de la même manière pour la même utilisation du réseau, ce qui n’est pas le cas actuellement. En cas de surproduction, le compteur des prosumers tourne à l’envers (tant pour la composante énergie que pour la composante régulée). Le prosumer peut injecter gratuitement son énergie dans le réseau (il n’y a pas de tarif d’injection dans son cas), mais il est équitable qu’il participe aux frais du réseau lorsqu’il prélève de l’énergie qu’il n’a pas produite lui-même au même instant », explique la Cwape à pv magazine.

Les échanges au sujet de cette redevance ont été nombreux au sein du gouvernement wallon. Initialement prévu pour une application au 1er janvier 2020, la Cwape lui avait donné quatre mois pour trouver un accord. Bien que tous les contours ne soient pas définis, c´est maintenant chose faite : le gouvernement est parvenu à un accord le samedi 2 mai au sein de la coalition PS-MR-Ecolo.

« Les prosumers payeront pour l’usage supposé qu’ils font du réseau, selon la puissance de l’installation et selon le taux d’autoconsommation annuel théorique », explique Benjamin Wilkin. « Il sera également possible de demander à changer de compteur pour installer un compteur double-flux. Dans ce cas, on pourra payer la redevance selon le prélèvement réel et non le prélèvement supposé. »

Report et compensation du tarif

Des mesures d’accompagnement au tarif prosumer seront mises en œuvre, précise le ministre wallon de l’Énergie Philippe Henry, par exemple une prime à l’installation de domotique ou la compensation financière pour partie de la redevance. Ces mesures, encore floues à l’heure actuelle et pour lesquelles une enveloppe de 200 millions d’euros devrait être dégagée, devraient être précisées début juin.

Le report du tarif prosumer au 1er octobre 2020 a, lui, bien été acté.

« On arrive donc à un système où les prosumers contribuent au frais du réseau, et reçoivent en contrepartie une aide financière » souligne B. Wilkin. « Cela peut leur permettre de mieux autoconsommer, par exemple en déplaçant leur charge, en veillant à consommer en même temps qu’ils produisent – et éventuellement en achetant une batterie, bien que cet investissement soit encore très coûteux », ajoute-t-il reconnaissant que les comportements de consommation jouent désormais un rôle important pour les prosumers.

Un secteur dominant en Belgique

Dans l’entretien avec pv magazine, Benjamin Wilkin rappelle que la Belgique est l’un des pays les plus développés en ce qui concerne le photovoltaïque résidentiel : en nombre d’installations sur le territoire, plus de 85 % sont des systèmes résidentiels. Le système de net-metering est ainsi très développé. « Il y a l’équivalent d’à peu près une maison sur 10 qui est équipée de solaire », précise-t-il. « Le système d’aides pour l’autoconsommation mis en place était devenu trop généreux », ajoute-t-il.

Critique envers les nouvelles mesures gouvernementales, le mouvement contestataire Touche Pas à mon Certificat Vert (TPCV) questionne notamment la notion d’équité quant à la participation aux frais de réseau, les prosumers ayant par exemple reversé une taxe via la TVA lors de l’acquisition de leur système photovoltaïque. « Nous sommes bien évidemment au cœur de ce dossier en ce qui concerne l’intérêt de nos membres et feront le maximum pour que l’accord et le tarif n’ait aucune incidence sur la facture jusqu’en 2024 », déclare le mouvement sur les réseaux sociaux.

« Les mouvements citoyens de prosumers, tels que Touche Pas à mon Certificat Vert sont très réactifs et n’hésitent pas à défendre leur droit sur le plan pénal », explique Benjamin Wilkin. Si ce mouvement illustre bien l’essor de l’énergie décentralisée, lié au développement des énergies renouvelables, il ne permet pas toujours de trouver les compromis nécessaires à la croissance de la filière, ajoute-t-il.

« Il faut que le système d’aides persiste, mais différemment. Le marché PV n’est pas intégré de manière structurelle. Une réflexion sur un mécanisme de soutien par tranche de puissance serait souhaitable », estime-t-il. « Le système d’aide doit être couplé à des mécaniques de marché jusqu’à ce qu’il soit autoporté. »

Pour conclure, Benjamin Wilkin rappelle que le système de net-metering tel qu’il existe actuellement devra de toute façon s’arrêter d’après la Directive européenne (UE) 2019/944. « Selon le new market design européen, au 1er janvier 2024, on ne pourra plus octroyer un système de net-metering sans participer aux coûts de réseaux. »

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