[L’acteur de la semaine] Steadysun, la prévision météo poussée au service de la production solaire

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Issue des laboratoires du CEA-INES (Institut national de l’énergie solaire), l’entreprise Steadysun a été créée en 2013 avec une idée : pousser les prévisions météorologiques à leur maximum afin de mieux valoriser l’énergie solaire. « Comme chacun sait, la production photovoltaïque varie en fonction des conditions météorologiques et dans les réseaux peu interconnectés, les gestionnaires de réseau utilisent de la réserve tournante qui fonctionne en sous-charge, pour compenser cette variabilité et éviter les délestages », souligne Caroline Deforeit, la fondatrice de Steadysun, interrogée par pv magazine France. La plupart du temps, cette réserve est assurée par des moyens de production thermiques (diesel, fioul, gaz). « Mais cela engendre deux problématiques : ces groupes fonctionnent parfois pour rien et leur utilisation par intermittence accélère leur vieillissement », poursuit Caroline Deforeit.

De fait, Steadysun a développé plusieurs produits permettant aux différents acteurs de la chaîne de valeur (producteurs, responsables d’équilibre, agrégateurs …) d’anticiper la météo au-dessus des centrales et ainsi de prévoir leur production électrique le plus précisément possible de quelques minutes à plusieurs jours à l’avance. « Le premier, baptisé SteadyMet, combine de manière intelligente une dizaine de modèles météorologiques couvrant l’ensemble du globe, provenant de différentes sources (Météo-France, ECMWF, NOAA, …) », précise Etienne Nadeau, chargé du développement à l’international. Commercialisée en SaaS, la solution associe les prévisions météorologiques avec la modélisation physique des centrales (conversion d’énergie) pour fournir une prévision de production solaire sur un laps de temps allant de six heures à plusieurs jours.

Réduire d’un facteur 4 l’écrêtage d’une centrale PV

Pour affiner la prévision sur les heures à venir, Steadysun propose aussi un deuxième produit, SteadySat, qui se base cette fois sur le traitement d’images prises depuis l’espace par cinq satellites couvrant le monde entier et actualisées jusqu’à 6 fois par heure. Combinée aux prévisions météorologiques, l’imagerie satellitaire permet d’observer l’évolution de la couverture nuageuse en temps-réel et de déterminer le profil de production des trente minutes à six heures à venir, ainsi que les risques de variabilité.

« Les retours d’un de nos clients en Corse, qui exploite une centrale de 5 MWc, montrent qu’il est parvenu grâce à SteadyMet et SteadySat à diviser par deux les pénalités appliquées par le gestionnaire de transport d’électricité et par quatre l’écrêtage de sa centrale », assure Caroline Deforeit. Selon la dirigeante, les prévisions météo deviennent un impératif, non seulement pour les gestionnaires de réseaux d’électricité, mais aussi pour les exploitants, les agrégateurs et les traders. Dans l’autoconsommation également, la problématique intéresse de plus en plus les acteurs. Et plus les systèmes électriques sont faibles (géographiquement peu étendus, mal interconnectés, voire isolés), plus les bénéfices de la prévision sont importants.

Pour cette raison, l’entreprise basée au Bourget-du-Lac (Savoie) a été choisie par Electricité de Tahiti (EDT), filiale d’Engie, pour accompagner le développement de l’énergie solaire dans le mix de l’île, la plus grande de la Polynésie française. Le territoire de 1 045 km² s’est en effet fixé des objectifs très ambitieux : porter à 50 % la part des énergies renouvelables dans la production électrique d’ici à fin 2022 (contre 30 % actuellement), puis à 75 % d’ici 2030. A l’heure actuelle, environ 30 MWc de capacités solaires sont installées à Tahiti, représentant 6 % de la production électrique, principalement grâce à des centrales en toiture. Un appel d’offres est en cours pour installer 30 MWc supplémentaires à horizon 2023.

Huit caméras SteadyEye installées à Tahiti

« Or, cette petite île a une géographie très particulière, avec un point culminant à 2 200 mètres, ce qui rend les phénomènes météorologiques (nuages, orages) très localisés et difficilement prévisibles », décrit Caroline Deforeit. Par conséquent, Steadysun fournit pour ce territoire un service de prévision SteadyMet avancé. « La solution inclut dans ce cas un modèle numérique régional à haute résolution, que l’on fait tourner sur nos propres infrastructures de calcul avec une configuration sur mesure afin de mieux caractériser les phénomènes météorologiques locaux », complète Caroline Deforeit. Grâce à cela, le gestionnaire de réseau peut prévoir plus précisément la production solaire qui sera injectée sur le réseau pendant la journée, anticiper les risques de fluctuations à l’échelle infra-journalière et peut ainsi planifier de manière intelligente les différents moyens de production conventionnels qui permettront d’assurer l’équilibre entre l’offre et la demande.

Depuis le début du mois d’octobre, le système de prévision est complété par la solution SteadyEye, qui apporte encore un degré de précision supplémentaire. Il s’agit d’une caméra équipée d’un pyranomètre (pour mesurer le rayonnement solaire reçu en surface), développée en interne par l’entreprise. Pointée vers le ciel, elle observe la couverture nuageuse en temps-réel et le logiciel de prévision conçu par Steadysun parvient, à partir de l’analyse des propriétés des nuages et la caractérisation de leur mouvement, à anticiper les risques de variabilité au cours des 30 prochaines minutes. « A Tahiti, nous avons installé un réseau de huit caméras, couplées aux images satellitaires, observe Caroline Deforeit. Cela permet de prévoir l’arrivée d’une chute de production supérieure à la réserve tournante trente minutes avant qu’elle ait lieu et donc d’augmenter la consigne de production hydroélectrique ».

Dans le même temps, Steadysun a été sollicité par plusieurs développeurs de centrales PV avec stockage, toujours à Tahiti, afin de réaliser des études de dimensionnement de batteries. « La taille optimale des batteries dépend de la précision de la prévision météorologique : plus la prévision est fiable et plus la capacité des batteries peut être réduite », constate Caroline Deforeit.

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