Selon SolarPower Europe, le nombre de systèmes de stockage d’énergie par batterie (BESS) installés chez les particuliers en Europe a bondi de 650 000 en 2021 à plus de 1 million en 2022. Une forte hausse, en grande partie entraînée par la forte augmentation des coûts de l’énergie depuis le début de la guerre en Ukraine et qui ne devrait pas faiblir dans un futur proche : toujours selon l’association professionnelle, le nombre de foyers accueillant des batteries couplées à une installation solaire en Europe devrait tripler pour atteindre 3,5 millions d’ici 2026.
Si la croissance du marché est tirée par cinq pays – l’Allemagne, l’Italie, l’Autriche, le Royaume-Uni et la Suisse – qu’en est-il de la France ? « En comparaison d’autres pays dans lesquels nous sommes présents, la France reste un marché de niche », répond Lars Brinkmeyer, responsable international des ventes du fabricant allemand de batteries et de bornes de recharge Kostal, lors d’un entretien avec pv magazine France.
Des prix trop peu incitatifs
D’après les chiffres du cabinet d’analyse LCP Delta, environ 566 000 foyers étaient équipés fin 2022 de systèmes photovoltaïques, pour une capacité d’environ 2 GW. Les systèmes avaient une capacité moyenne de 4 kWc et parmi eux, seul un millier sont également équipés d’une batterie de stockage domestique. Des chiffres à comparer avec ceux de l’Allemagne où, selon l’université RWTH d’Aix-la-Chapelle, 220 000 nouvelles batteries résidentielles d’une capacité combinée de 1,2 GW/1,9 GWh ont été installées rien que sur 2022.
« En France, les prix de l’électricité, qui sont autour de 20 c€/kWh, restent inférieurs aux niveaux observés dans d’autres pays européens, analyse Arthur Jouannic, directeur France du cabinet LCP Delta, pour pv magazine France. De plus, le gouvernement a plafonné la hausse des prix réglementés de l’électricité réglementée de l’électricité en 2022 à 4 %, ce qui a limité l’impact de la crise énergétique pour les particuliers ».
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En outre, ce facteur doit être corrélé aux prix actuels des systèmes “solaire + batterie”, loin d’être incitatifs. Des devis réalisés auprès d’installateurs en BtoC montrent qu’ils peuvent aller jusqu’à 30 000 euros pour un système PV de 6 kWc avec une batterie. « Comme le prix de l’électricité reste faible, le retour sur investissement d’un tel achat est de 8, 10, voire 12 ans, chiffre Arthur Jouannic. Par ailleurs, les taux d’intérêt sont élevés, ce qui rend les offres de leasing peu intéressantes ». Résultat, il semble que ces prix élevés excluent les achats rationnels et que seuls les foyers les plus aisés souhaitant participer à la transition énergétique tendent à s’équiper. « L’achat d’un système photovoltaïque en France, a fortiori avec batterie, reste une décision plus émotionnelle que financière », résume Arthur Jouannic.
Préparer le marché et familiariser les consommateurs
Toutefois, Kostal a senti une évolution du marché ces derniers mois. « Cet hiver, lorsque le gouvernement français a évoqué de possibles coupures de courant, nous avons constaté une hausse de l’intérêt des consommateurs pour ce type de systèmes », remarque Lars Brinkmeyer. Le fabricant allemand lancera d’ailleurs fin 2023 sa nouvelle génération d’onduleurs résidentiels pour des puissances comprises entre 3 kW et 20 kW, évolutifs et configurables avec ou sans batterie. « Ainsi, si la demande en France s’intensifie, les installateurs pourront facilement ajouter des batteries de stockage aux installations photovoltaïques existantes », complète Lars Brinkmeyer.
Même constat pour le fournisseur de systèmes solaires et de batteries à base de micro-onduleurs Enphase, qui a lancé depuis le mois d’avril sa solution de stockage par batterie lithium fer phosphate (LFP) sur le marché français. Avec la hausse inexorable des prix de l’électricité dans le futur, le groupe américain veut familiariser les installateurs et les particuliers aux solutions de stockage. « En France, seules cinq installations photovoltaïques sur 100 sont équipées d’une batterie, rappelait Maâty Bouanane, responsable ventes France de Enphase, lors d’une rencontre avec pv magazine France en mars dernier. En Allemagne, ce taux est de 80 %. Le marché français est donc balbutiant mais c’est le bon moment pour permettre aux installateurs de se familiariser avec ces technologies, qui sont très simples à mettre en œuvre ». Une formation certifiante délivrée par Enphase sera d’ailleurs demandée aux installateurs pour qu’ils puissent installer les batteries.
Les pompes à chaleur, vecteur de croissance du photovoltaïque ?
Tandis que le marché des batteries résidentielles reste modeste dans l’Hexagone, celui des pompes à chaleur (PAC) décolle rapidement. 550 000 PAC ont ainsi été vendues en 2022 en France dont 346 700 PAC air/eau. Il faut y voir l’effet de la directive RE2020, entrée en vigueur le 1er janvier 2022, et qui exige que la consommation consommation totale d’énergie primaire (y compris le chauffage, l’eau chaude sanitaire, l’éclairage et les appareils électriques) reste inférieure à 100 kWh/m² par an. « Le marché des pompes à chaleur est mature en France, l’offre des distributeurs très étoffée et les incitations du gouvernement, via des aides directes et des crédits d’impôts, poussent les particuliers à s’équiper », assure Arthur Jouannic.
Les prévisions du cabinet LCP Delta prévoit l’installation de plus d’un million de pompes à chaleur par an. « Il semblerait que les promoteurs privilégient plutôt les pompes à chaleur au solaire photovoltaïque pour les nouvelles constructions, car l’intensité carbone de l’électricité en France n’est pas élevée (l’utilisation de l’électricité du réseau n’impacte donc pas le bilan carbone du bâtiment) », note LCP Delta dans une analyse. « Cependant, nous prévoyons dans un second temps que le marché des pompes à chaleur chez les particuliers soit un vecteur de croissance pour le photovoltaïque en toiture, car ce couplage est une suite logique », complète Arthur Jouannic.
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