Les épisodes de prix négatifs ont fortement augmenté en France au cours du premier semestre 2024. De 53 pas horaires négatifs constatés au premier semestre 2023, RTE en rapporte 233 sur la même période cette année. La société spécialisée kiloWattSol en rapporte même 308 au 23 août 2024. C’est un record historique en France où même le premier semestre 2020, caractérisé par la baisse de consommation liée aux confinements, n’avait enregistré que 75 épisodes de pas horaires négatifs.
Deux journées à prix moyen négatif ont été enregistrées, les 6 avril et 15 juin, « ce qui ne s’était produit qu’à quatre reprises depuis 2001, la dernière datant du 2 juillet 2023, précise RTE dans son rapport. Le nombre d’épisodes de prix négatifs en France a également dépassé pour la première fois, au premier semestre 2024, celui en Allemagne. »
Les prix du marché spot (marché au comptant, le jour d’avant) de l’électricité sont négatifs lorsqu’il y a un excès de production par rapport à la consommation. En France c’est le développement des énergies renouvelables, combiné à la reprise de la production nucléaire après une mise à l’arrêt d’une partie du parc depuis 2022 et à un niveau bas de la demande électrique qui a contribué à un dépassement de l’offre électrique par rapport à la demande. En été, les pics de production (notamment photovoltaïque) sont concomitants dans toute l’Europe, ce qui ne permet pas au marché européen de se réguler.
RTE s’est réjouit de la contribution des installations photovoltaïques à la flexibilité réseau. Comprendre : la déconnexion de certaines centrales solaires sous complément de rémunération (CFD) a permis de lisser l’excédent de production sur des pas horaires sensibles.
A noter que les producteurs solaires français concernés peuvent bénéficier d’une prime d’environ 50 % du tarif supposé dû et calculé en fonction de la puissance de l’installation et du nombre de pas horaires négatifs pendant lesquels l’installation n’a pas produit. La formule exacte est décrite en annexe de l’arrêté du 23 avril 2018 fixant les conditions du complément de rémunération de l’électricité produite par les installations solaires.
Mais plus qu’une pénalité financière, cette situation pose la question de la perte de kilowattheures solaires. « Chez kiloWattsol, nous avons affiné notre modèle du système électrique solaire France, utilisant un point de climat tous les 0,5° de latitude et de longitude, pondéré par région selon la puissance moyenne installée. Cette modélisation nous permet de quantifier l’énergie “perdue” depuis le début de l’année à plutôt 750 GWh, soit un peu plus de 4 % de la production solaire totale », explique Xavier Daval, directeur de kiloWattsol et président de la section solaire du SER dans une publication sur son réseau professionnel.
Il rappelle à pv magazine France que 90 à 95 % des centrales photovoltaïques sont actuellement sous contrat public en France. L’Etat étant à l’achat sur le complément de rémunération, chaque épisode de déconnexion d’une centrale solaire nous coûte collectivement.
Pour intégrer les nouvelles capacités solaires et les projets à venir, plusieurs solutions sont envisageables. D’abord, et comme il est prévu à l’échelle nationale et européenne, il s’agira d’opérer une profonde modification des usages et un transfert massif de la consommation énergétique vers l’électrique. « Il faut du temps pour que l’infrastructure soit prête à ces usages », rappelle toutefois Xavier Daval. Dans l’attente le stockage sera une solution, tout du moins « intermédiaire » pour lisser les pics de production. Enfin, le spécialiste en appelle à faire parler l’offre et la demande, notamment en mettant à contribution le parc de compteurs intelligents déployés en France. Sur ce modèle il serait par exemple possible d’envoyer des signaux de prix variables par jour mais cela « sous-entend que les fournisseurs proposent ce type d’offres ».
La CRE et l’Ademe ont été contactées par la rédaction pour échanger sur ces sujets mais n’ont pas encore donné suite à nos sollicitations.
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Merci pour cet article. Je me permets un commentaire relatif au point en fin de l’article concernant les signaux de prix variables à la journée. J’habite actuellement en Suède et de nombreux fournisseurs d’électricité proposent des tarifs de ce genre (‘timpris’ en suédois). Je souscrit moi-même à un contrat de ce type et il permet de nombreuses synergies dans la gestion de la demande domestique. Par exemple, couplé à un chargeur pour VE intelligent, le chargeur permettra de tirer sur le réseau uniquement aux heures les moins chères (qui changent tous les jours en fonction du marché spot), ce qui permet un prix imbattable tout en utilisant l’énergie la moins carbonée et en aidant le réseau. De même les pompes à chaleur peuvent réagir aux signaux de prix journaliers pour éviter de chauffer pendant les heures les plus chères (dans la limite de l’inertie thermique du logement bien entendu).
Le désavantage est bien entendu d’être exposés aux prix spots qui peuvent parfois augmenter de manière drastique (mais dans mon expérience personelle le prix moyen annuel reste très en dessous des tarifs fixes en adaptant sa demande à l’offre comme décrit ci-dessus).