[Série DOM-TOM] En Martinique, l’accès difficile au foncier freine le développement du solaire

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Ile de 1 128 km2 dans l’Océan Atlantique bénéficiant d’un ensoleillement moyen de 4130 Wh/m², la Martinique s’est fixé comme objectif dans sa Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) de porter ses capacités photovoltaïques à 111 MWc d’ici à 2023, soit 46 MWc de plus qu’en 2015. Concernant le PV avec stockage, les ambitions de l’Etat sont de passer de 2,5 MWc en 2015 à 47 MWc en 2023. Photovoltaïque, l’éolien et biomasse devront alors représenter 58 % de la production d’électricité. Tout comme dans les autres ZNI, le taux d’indépendance énergétique devra être de 50 % d’ici à 2023, pour passer à l’auto-suffisance d’ici à 2030. Tandis que la CRE a attribué 24 MWc de projets solaires lors du dernier appel d’offres ZNI, « le territoire est encore en dessous des objectifs, souligne cependant Fabien Pigaiani, responsable de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Guyane chez Corsica Sole. En effet, il s’agit d’une zone très dense et le problème de l’accès au foncier, particulièrement prégnant sur l’île, complique la tâche des développeurs ».

« Encore plus que dans les autres DOM-TOM, la Martinique a une sensibilité exacerbée sur l’utilisation des terres agricoles », confirme de son côté Frédéric Moyne, PDG d’Albioma. Présent depuis 2017, l’acteur exploite les centrales thermiques Galion et Galion 2, fonctionnant à la biomasse liquide, qui permet de couvrir environ 15 % des besoins électriques de l’île. Par ailleurs, il possède plusieurs grandes installations solaires sur zones sans conflit d’usage au sol (centrale de 4 MWc de Lassale) ou en toiture de résidences (centrale de 511 KWc sur le parc immobilier de la SIMAR) et sur bâtiments industriels (comme la centrale de 140 KWc sur la distillerie Dillon, Centre de valorisation organique, sucrerie Galion). En 2018, leur activité a permis de fournir 17,6 GWh d’électricité renouvelable sur le réseau martiniquais, soit près du quart de l’électricité photovoltaïque totale produite sur l’île.

Dotée d’une puissance installée de 140 KWc, la centrale solaire Dillon a fourni, en 2020, environ 148 MWh d’électricité sur le réseau.

Image : Albioma

« Il faut véritablement montrer patte blanche car les autorités ne délivrent de permis de construire qu’aux hangars photovoltaïques pour lesquels les agriculteurs ont su démontrer qu’il y a une réel projet agricole derrière et pas seulement de la spéculation foncière, remarque Fabien Pigaiani. Il estime ainsi qu’en moyenne 10 % des dossiers sont approuvés. Concernant Corsica Sole, la société a actuellement en cours de développement cinq projets de hangars agricoles de 100 kWc chacun qui seront construits en 2022. « Pour cette raison, nous nous orientons également vers l’innovation et les serres d’agrivoltaïsme, poursuit Fabien Pigaiani. Nous sommes en cours de consultation de fournisseurs ». Ceux-ci devraient commencer à voir le jour en 2023-2024. Enfin, elle a été lauréate du dernier appel d’offres de la CRE pour une centrale au sol de 5 MWc, installée sur une ancienne carrière dans la commune de Rivière Salée. Sa construction devrait démarrer en 2022-2023. « Nous avons sur la Martinique et la Guadeloupe de l’ordre de 10 à 15 MWc de projets en développement, ainsi qu’un site de stockage pour lequel nous avons récemment obtenu le permis de construire », chiffre le responsable.

« En outre, les structures foncières dans les Caraïbes sont relativement complexes avec de l’indivision foncière », analyse également David Augeix, Directeur régional Sud et Outre-Mer chez EDF Renouvelables. Selon cette tradition, jusqu’ici pour pouvoir vendre ou partager un bien en parcelles, il faut que tous les héritiers concernés trouvent un accord, résultat les biens immobiliers se retrouvent souvent concentrés entre les mains d’un petit nombre de propriétaires. Outre un problème sur le logement, cela freine aussi le développement du photovoltaïque sur bâtiment. « Il suffit qu’un propriétaire refuse l’installation de panneaux solaires pour bloquer l’accès à un très grand nombre de bâtiments », décrit Fabien Pigaiani. Pour simplifier le traitement des indivisions foncières, la loi Letchimy (du nom d’un député martiniquais) a été votée en 2018 pour réduire ces problèmes de succession et libérer du foncier bâti, mais le problème persiste encore actuellement.

Le réseau électrique de la Martinique

Les 240 km du réseau électrique martiniquais (HTB) représenté sur la carte ci-dessus ont pour fonction de répartir la production des centrales vers les postes servant de source d’alimentation électrique aux agglomérations. Le réseau est à 63 000 volts et majoritairement aérien. Il est alimenté principalement par 3 centrales électriques (la centrale de Bellefontaine, la centrale de Pointe des Carrières et les centrales Galion) et de façon secondaire par diverses installations photovoltaïques réparties sur le territoire et un parc éolien.

Pour répondre aux objectifs de la PPE, le schéma de raccordement au réseau des énergies renouvelables de la Martinique prévoit la réservation d’environ 142 MW de capacité pour les EnR. Il propose pour cela des investissements sur le réseau de transport à hauteur de 19,8 M€ correspondant à la création d’une liaison HTB entre les postes de Trinité et Lamentin, ainsi que des investissements postes-sources à hauteur de 3,5 M€ correspondant à l’ajout d’un transformateur de 36 MVA et le remplacement d’un transformateur de 20 MVA par un 36 MVA, ainsi que leurs équipements HTA et HTB, au poste de Marigot. Le montant des ouvrages créés s’élève à 22,8 M€. La quote-part résultante est ainsi de 161 k€/MW. Conformément à l’article L 361-1 du code de l’énergie le montant de cette quote-part est plafonné à hauteur du montant de la quote-part la plus élevée, augmentée de 30 %, constaté dans les schémas adoptés sur le territoire métropolitain continental à la date d’approbation de ce schéma. La quote-part de ce schéma s’établit donc à 106,9 k€/MW.

A venir la semaine prochaine : la Guadeloupe

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