Les entreprises africaines de solaire PAYG accaparent 72 % des investissements du secteur

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D’après pv magazine international.

Le dernier rapport bisannuel sur l’industrie mondiale du solaire off-grid indique une reprise postpandémie au niveau des ventes d’installations solaires domestiques, mais révèle aussi la mainmise que les sept plus grandes entreprises de pay-as-you-go (PAYG) en Afrique ont sur le secteur.

Le rapport « Off-Grid Solar Market Trends Report 2022: State of the Sector » a été publié cette semaine par la Banque mondiale, l’association mondiale du secteur de l’énergie solaire hors réseau Gogla installée aux Pays-Bas, le groupe Efficiency for Access Coalition aux États-Unis et la compagnie financière Open Capital Advisors installée à Nairobi.

Ce rapport indique ainsi que les ventes des installations solaires domestiques à panneau unique ont grimpé de 10 % l’année dernière par rapport aux chiffres très bas de 2020 dus au Covid, contribuant à hauteur de 2,13 milliards d’euros au marché mondial de 2,84 milliards d’euros en 2021, chiffres tenant compte des ventes d’appareils alimentés par l’énergie solaire représentant 709 millions d’euros. D’après l’étude, les ventes d’appareils solaires, essentiellement des téléviseurs en Afrique et des ventilateurs en Asie du Sud, ne se sont pas encore redressées depuis la pandémie.

Le rapport établit en outre qu’en termes de financements, quelque 72 % du soutien total assuré à ce jour aux entreprises de solaire off-grid « affiliées » ayant communiqué leurs chiffres à Gogla ont bénéficié à seulement sept entreprises, contre 26 % seulement partagés entre 150 autres entreprises.

Le fait que ces sept grandes entreprises « semblent avoir surmonté la pandémie », selon les auteurs du rapport, est susceptible de débloquer l’accès à des fonds propres encore plus importants et verra certainement une vague de consolidation parcourir le secteur, après le marasme dans lequel le Covid a jeté les acquisitions réalisées par les grandes entreprises énergétiques traditionnelles.

À titre d’exemple, depuis le dernier rapport sur l’énergie solaire hors réseau, paru en février 2020, l’entreprise d.light installée à San Francisco a sécurisé 370 millions d’euros pour étendre son fonctionnement par le biais d’une entité à vocation spécifique qui reversera des retours aux investisseurs à partir des recettes PAYG de l’entreprise. Sun King (anciennement Greenlight Planet), basée à Chicago, a cette année réalisé une levée de fonds en série D de 263 millions d’euros menée par la branche d’investissement dans l’action climatique de la société de capital-investissement new-yorkaise General Atlantic.

D’après le rapport, ces sept grandes entreprises comptent également Bboxx, basée à Londres, le Français Engie Energy Access, l’entreprise néerlandaise Lumos, M-Kopa installée à Nairobi et Zola Electric d’Amsterdam.

Ces entreprises ont engrangé 246 millions d’euros de garanties d’emprunt l’an dernier, et 70,9 millions d’euros issus de la vente d’actions, tandis que les 150 autres entreprises recensées dans la base de données de Gogla ont, à elles toutes, emprunté pour une valeur totale de 52,6 millions d’euros, attirant 50,6 millions de prise de participation et 9,1 millions en subventions non remboursables.

La grande majorité des investissements sont toujours absorbés par le marché off-grid plus mature d’Afrique de l’Est, par l’intermédiaire des sept grandes entreprises. Les entreprises en activité en Afrique de l’Ouest, bien que plus nombreuses, attirent un soutient moins important. Le rapport sur le solaire hors réseau, qui cette année sera scindé en deux parties avec des perspectives d’avenir publiées plus tard en octobre, a indiqué que les données disponibles étaient moins nombreuses pour l’Asie du Sud. Cela s’explique par la prédominance des achats comptant sur place, ce qui signifie moins d’investissements extérieurs, et par le nombre plus élevé d’entreprises qui ne communiquent pas leurs chiffres à Gogla.

Par ailleurs, le document met en évidence les développements en cours dans le secteur, notamment la nécessité de réglementer le marché PAYG et, pour les entreprises, de mettre en place des politiques d’élimination des déchets électriques et de recyclage, en particulier depuis les récentes modifications de la législation en matière de déchets intervenues au Kenya, au Ghana, en Tanzanie et au Nigeria. Concernant cette question, l’étude met en lumière le travail effectué par une entreprise dénommée Solaris qui donne une seconde vie aux cellules usagées des batteries automobiles en les réutilisant pour les systèmes solaires domestiques.

Des plans commerciaux trop ambitieux

L’étude de Gogla et de la Banque mondiale illustre également les problèmes engendrés par l’excès d’optimisme des géants du PAYG à la croissance rapide concernant leur présence sur le marché et la capacité de leurs clients aux revenus les plus faibles à respecter les échéanciers de paiement. Ainsi, les auteurs indiquent que le gouvernement du Rwanda envisage de réduire son objectif de fournir 48 % de l’électricité du pays à l’aide du solaire hors réseau d’ici 2024 à 30 % seulement. Pour compenser, Kigali pourrait augmenter de 52 % à 70 % son recours au réseau d’électricité conventionnel pour alimenter la population sur la même période.

Le rapport laisse entendre que l’expression « solaire off-grid » pourrait bientôt devenir obsolète, car un nombre croissant de consommateurs urbains ont recours à des appareils et à des systèmes électriques solaires pour compenser les défaillances du réseau, ce qui ouvre un nouveau marché gigantesque pour les entreprises solaires africaines.

Enfin, le document de 160 pages souligne, une nouvelle fois, à quel point le monde est encore loin de l’objectif de l’accès universel à l’électricité cette décennie : en effet, 90 millions de Nigérians n’ont pas l’électricité, de même que 72 millions de personnes en République démocratique du Congo et 56 millions d’Éthiopiens.

L’accès à l’électricité se laisse en effet distancer par la croissance de la population. De plus, on estime que 128 millions de personnes et 3,1 millions d’entreprises ont raté l’occasion de passer à l’énergie solaire en raison du Covid. Par ailleurs, le rapport a mis à mal l’affirmation de Sheikh Hasina, cheffe du gouvernement du Bangladesh en mars dernier, selon laquelle son pays avait atteint l’universalisation de l’accès à l’électricité.

D’après la Banque Mondiale, Gogla, Efficiency for Access et Open Capital, seuls 96 % des Bangladais avaient accès à l’électricité au moment de la finalisation de la première partie du rapport en août, laissant 6 millions de personnes dans le noir.

Traduction de Christelle Taureau.

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