[Série Régions] L’Occitanie double le développement solaire d’une dynamique citoyenne

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Avec son fort potentiel solaire, la région Occitanie a été l’une des premières à miser sur le photovoltaïque dans ses stratégies de développement énergétique, écologique et économique. Dès 2016 et la fusion des régions, la jeune Occitanie se fixe comme objectif de devenir la première région d’Europe à énergie positive (REPOS). En conformité avec les Accords de Paris, elle vise d’une part à diviser par deux la consommation du citoyen et à multiplier par trois la production d’énergies renouvelables d’ici 2050 dans un plan inspiré du scénario Négawatt.

« L’envie est de créer une communauté d’acteurs », explique Agnès Langévine, la vice-présidente de la Région Occitanie lors d’un entretien avec pv magazine France. De 1276 MW en 2015, l’objectif est d’atteindre 6,9 GW de capacité photovoltaïque installée en 2030 et 15 GW d’ici 2050. En 2021, 2,6 GW de capacité solaire était déjà déployée dans la région, représentant une production annuelle de 3 TWh, soit près de 10 % de la production électrique totale du territoire.

En 2021 la filière photovoltaïque a installé quelques 460 MW. Ce déploiement important s’explique en partie par le report de certains projets de 2020 à 2021, en conséquence de la crise sanitaire. En effet, le rythme oscille habituellement entre 140 MW et 200 nouveaux MW par an selon les chiffres de l’Observatoire Régional Climat + Energie Occitanie (ORCEO). Mais l’accélération de la croissance est bien amorcée. « Dans un contexte de hausse de prix et de tensions liées à la guerre en Ukraine, on enregistre de plus en plus de demandes », précise Agnès Langévine.

Aides et accompagnements aux projets

Comme ailleurs, la Région n’a pas de dispositif de soutien financier spécifique au déploiement du photovoltaïque. Légalement, il est d’ailleurs impossible de cumuler les aides, ce qui prive tout projet lauréat à un appel d’offres de quelque accompagnement pécuniaire que ce soit sur la partie PV.

Il est toutefois possible de financer une partie des études préalables pour les projets solaires au sol et en toiture inférieurs à 500 kW. Sur la base de « un euro de la Région pour un euro citoyen » (avec un plafond à 100 000 euros) la Région aide également à l’investissement sur les petites centrales en contrat PPA. Dans cette configuration, les projets ne sont pas concernés par l’interdiction du cumul d’aides, puisque qu’ils ne bénéficient pas du tarif d’achat, ce qui permet un apport de la Région. « C’est le cas de tous les parcs au sol 250 kWc réalisés jusqu’à maintenant, qui sont en contrat d’achat Enercoop », précise Agnès Langévine.

Centrale solaire de Carayac.

Image : Celewatt

La Région compte également sur son Agence régionale Énergie Climat, AREC Occitanie, qui est devenue au fil des années un acteur en soi du solaire dans les territoires. Avec à son capital deux actionnaires bancaires, une SEM et une société publique locale (regroupant les collectivités) au côté de la Région, l’institution fonctionne sur une logique para-publique. Elle accompagne les acteurs à structurer les projets d’énergies renouvelables, à boucler le montage financier et à chercher les partenaires adéquats. En 2022, l’agence a reçu plus de 500 sollicitations et a étudié près de 200 sites pour des ombrières solaires. En ce qui concerne les toitures, « nous recevons une dizaine de sollicitations par semaine », explique Aurélien Pons, responsable du pôle EnR de l’AREC Occitanie qui s’est entretenu avec pv magazine au sujet du développement de l’agence.

Face à ces demandes toujours plus nombreuses, l’agence s’est associée avec Reservoir Sun pour créé OcciSun, une société spécialisée sur l’autoconsommation solaire qui finance, développe, installe et entretien des centrales solaires à destination des collectivités et des entreprises d’Occitanie.

Côté ombrières, c’est le projet Ombrières d’Occitanie qui assure la jonction de l’action publique et privée pour accélérer le déploiement du solaire sur les zones de stationnement. La société construit et exploite les ombrières PV sur des parkings pour le compte de la collectivité qui devient ainsi productrice d’énergie solaire sans investissement préalable. Issue d’un partenariat entre l’AREC Occitanie, l’Entente des 13 Syndicats Départementaux d’Énergie de la Région et See You Sun, l’initiative facilite ainsi l’accès au foncier privé.

L’élan du solaire citoyen

Au fil des années, l’Occitanie s’est dotée d’un réseau de projets d’énergies renouvelables citoyens qui représente aujourd’hui 15 MW d’installations photovoltaïques. Ce pan d’activité est notamment structuré par Énergies Citoyennes Locales et Renouvelables (ECLR), une association créée en 2015 par la Région et Enercoop pour accompagner les développements et l’émergence des projets EnR citoyens. Aujourd’hui, plus de 90 % des projets sortis de terre dans cette initiative sont des projets solaires qui peuvent facilement adopter l’échelle et la typologie adéquates. Le gisement solaire important du territoire et l’engouement pour le photovoltaïque constaté sur les marchés ces dernières années ont eux aussi été déterminants dans l’envolé du solaire citoyen.

Papeterie de Montech par Enercit82, fin du chantier en mai 2022.

Image : Association SURVOL

L’Occitanie compte ainsi une soixantaine de coopératives citoyennes formées autour de projets d’énergies renouvelables, souvent à l’échelle inter-communale. « Ces entités se créent autour d’un projet au minimum, mais certaines coopératives exploitent déjà plus de dix installations », explique Clémence Souid-Poncelin, animatrice du réseau ECLR en Occitanie à pv magazine. Ensemble, les projets citoyens du réseau produisent quelque 29 GWh par an. L’objectif d’ECLR est d’atteindre 500 installations citoyennes et plus de 100 000 sociétaires dans la région d’ici 2030 – contre environ 6000 aujourd’hui.

En 2023, quelques 250 kW vont sortir de terre dans le Tarn (Coop de So), le Gard (Lucioles citoyennes), l’Aude (Soleocc à Ornaisons) et le Lot (Fil d’Ohm et Autonomie Énergétique du Plateau). Si la puissance cumulée de ces initiatives reste limitée par la taille des projets, les coopératives de projets EnR devraient se développer de plus en plus vite sous l’impulsion des collectivités. Le département du Lot a par exemple passé une délibération entérinant la prise de participation de la collectivité (en tant que « part sociale ») dans chaque coopérative citoyenne de manière à favoriser l’investissement. C’est d’ailleurs sur ce territoire qu’évolue la plus grande coopérative d’Occitanie, SériWatt qui compte quelque 550 sociétaires.

« Il y a un enjeu sociétal fort, souligne Clémence Souid-Poncelin. La crise énergétique implique tout le monde et a fait grandir l’intérêt des citoyens pour le sujet : le nombre moyen de participants aux réunions publiques est par exemple passé d’une douzaine il y a quelques années à 80 voire 100 aujourd’hui. Les personnes sont souvent motivées par la facture d’électricité, mais la démarche est positive puisque cela permet d’agir de manière collective ».

Le financement des projets

Pour soutenir la dynamique citoyenne, la Région lance en 2023 un nouvel outil d’investissement destiné aux projets EnR citoyens. Le dispositif de soutien a été voté en octobre 2022 et est actuellement en cours de finalisation. Baptisée « AREC Energies Citoyennes », il vise à donner à la Région et à l’AREC la capacité d’investir au capital des sociétés de projets EnR.

Papeterie de Montech par Enercit82.

Image : Association SURVOL

Cela permettra de soutenir financièrement les projets citoyens qui ne sont pas exempts des règles de non-cumul des aides. Ils ne peuvent pas non plus tirer avantage de leur statut « citoyen » pour accélérer quelque démarche que ce soit puisque le critère « porteur de projet » n’est pas examiné par les autorités en tant que tel. « Les coopératives ont du mal, notamment en préfectures », explique Clémence Souid-Poncelin qui regrette également l’absence de grille de lecture sur les retombées économiques des projets et sur les implications démocratiques de telles initiatives. Auprès d’Enedis aussi, les petits projets rencontrent des difficultés puisque les demandes de raccordement des gros projets en guichet sont prioritaires – notamment pour des questions d’équilibre du réseau.

En réponse à ces difficultés, la région a vu naître plusieurs projets hybrides dans lesquels une coopérative citoyenne s’associe avec un développeur pour des questions de financement et/ou de compétence. Enercoop Midi-Pyrénées, La Générale du Solaire ou encore Engie Green (pour un projet éolien) ont déjà signé de tels développements qui favorisent à la fois l’acceptabilité et l’accès au foncier, que ce soit en toiture ou en installation au sol. Ces initiatives permettent également des retombées économiques locales et donc le développement plus aisé des fameuses boucles locales de l’énergie.

Centrale solaire de Carayac.

Image : Celewatt

Via un fonds d’investissement régional, l’AREC peut aussi ponctuellement et directement investir dans des projets « s’il manque des subventions, s’il y a un besoin ou si le projet a une portée politique », explique Aurélien Pons. A date l’agence compte une dizaine de sites en exploitation, même si ce chiffre n’est pas significatif de son action dans le photovoltaïque. En effet, avec un budget de plusieurs millions d’euros, l’AREC vise surtout à coordonner un réseau d’acteurs dans la région puisqu’une cinquantaine d’énergéticiens sont déjà présents sur le marché occitan. « Le sujet qui nous occupe actuellement est le développement de l’agrivoltaïsme qui pourrait impacter les milliers de communes de la région », ajoute le responsable.

L’un dans l’autre, pour Agnès Langévine, « la prise de conscience doit aider à transformer les modèles. Il faut conserver la capacité d’investissement [de la région] et développer des solutions décentralisées à l’échelle des territoires. Dans le contexte actuel, de plus en plus de collectivités et entreprises cherchent à gagner en souveraineté énergétique ».

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