L’Agence internationale de l’énergie fait le point sur le développement énergétique en Afrique

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L’Agence internationale de l’énergie (AIE) a publié son rapport annuel de 2022 sur les perspectives énergétiques en Afrique. « La crise énergétique mondiale actuelle a souligné l’urgence, ainsi que les avantages, d’une mise à l’échelle accélérée de sources d’énergie moins chères et plus propres », rappelle l’agence dans la présentation des principales conclusions de l’Africa Energy Outlook 2022.

« La nouvelle économie mondiale de l’énergie qui émerge offre un avenir plus prometteur pour l’Afrique, avec un énorme potentiel pour le solaire et d’autres énergies renouvelables », a déclaré Fatih Birol, directeur exécutif de l’AIE. Le rapport constate en effet que la transition énergétique mondiale peut représenter une opportunité pour le développement économique et social du continent. L’énergie solaire en particulier (et les EnR en général) ainsi que les filières émergentes liées à ces développements comme les minéraux critiques et l’hydrogène vert pourront notamment stimuler la croissance à condition d’être bien développées, le tout, dans un contexte de baisse des coûts des technologies propres et d’évolution  des modèles d’investissement mondiaux.

« La priorité immédiate et absolue pour l’Afrique et la communauté internationale est d’apporter une énergie moderne et abordable à tous les Africains – et notre nouveau rapport montre que cela peut être réalisé d’ici la fin de cette décennie grâce à un investissement annuel de 25 milliards de dollars, le même montant nécessaire pour construire un seul nouveau terminal GNL par an », a ajouté Fatih Birol. « Il est moralement inacceptable que l’injustice persistante de la pauvreté énergétique en Afrique ne soit pas résolue alors qu’il est si clairement dans nos moyens de le faire. »

Pour mémoire, lAfrique fait face à un changement climatique plus grave que la plupart des autres régions du monde alors même qu’elle est la moins responsable du problème : avec près d’un cinquième de la population mondiale, l’Afrique représente à ce jour moins de 3 % des émissions totales de CO2 liées à l’énergie et ses émissions par habitant sont les plus faibles du monde.

Le potentiel de l’hydrogène vert et des minéraux critiques

L’Afrique possède d’importantes ressources nécessaires au développement mondiale de la filière EnR et notamment des composants essentiels aux batteries et aux technologies de l’hydrogène. Le continent concentre par exemple plus de 40% des réserves mondiales de cobalt, de manganèse et de platine avec l’Afrique du Sud, la République démocratique du Congo et le Mozambique en premières lignes de la production mondiale. Le rapport de l’AIE estime que d’autres gisements pourraient être découverts dans les prochaines années et participer à doubler les revenus provenant de la production de minéraux critiques dans la région d’ici 2030.

Le potentiel de production d’hydrogène vert est lui aussi immense et plusieurs projets sont déjà en cours ou en discussion en Égypte, en Mauritanie, au Maroc, en Namibie et en Afrique du Sud. Ceux-ci visent principalement à utiliser l’énergie renouvelable pour produire de l’ammoniac comme engrais dans le but de renforcer la sécurité alimentaire du continent. Toutefois, la baisse mondiale des coûts de production de l’hydrogène pourrait permettre à l’Afrique d’être en bonne position pour fournir de l’hydrogène vert à l’Europe du Nord à des prix compétitifs d’ici 2030. Si la tendance baissière persiste, l’Afrique pourrait produire jusqu’à 5 000 millions de tonnes d’hydrogène par an à moins de 2 dollars par kilogramme, soir l’équivalent de l’approvisionnement énergétique total mondial aujourd’hui.

Le PV a « le vent en poupe » mais la hausse des prix a affecté son déploiement depuis deux ans

« Les installations solaires ont le vent en poupe » écrit l’AIE dans son rapport. En Afrique subsaharienne (à l’exclusion de l’Afrique du Sud), 13 pays disposent à date d’une capacité PV installée de plus de 50 mégawatts, contre seulement deux il y a cinq ans : la Namibie et le Sénégal. Et la croissance reste à venir puisque l’Afrique abrite 60 % des meilleures ressources solaires au monde (en faisant l’énergie la moins chère sur presque tout le continent), mais encore seulement 1 % de la capacité solaire photovoltaïque installée.

Dans le scénario développé par l’AIE, « une fois que les centrales électriques au charbon actuellement en construction sont achevées, l’Afrique n’en construit plus, principalement en raison de l’annonce par la Chine de mettre fin à son soutien aux centrales au charbon à l’étranger. Si l’investissement initialement prévu pour ces centrales au charbon abandonnées était redirigé vers le solaire photovoltaïque, il pourrait couvrir la moitié du coût de tous les ajouts de capacité solaire photovoltaïque en Afrique jusqu’en 2025. »

La capacité PV en Afrique avait déjà atteint un niveau record en 2019, principalement grâce à l’achèvement de la centrale de Benban en Egypte qui a mis en service un total de 1,65 GW d’énergie solaire. Mais les développements de 2020 ont été bien inférieures aux attentes pré-pandémiques et notamment les projets à grande échelle, en raison de l’augmentation des risques financiers. L’AIE constate que les ajouts de centrales de petite et moyenne taille ont mieux résisté en 2021.

Additions annuelles de capacités solaires en Afrique et dans le monde, 2010-2021.

Graphique : AIE

La pandémie et ses retombées ont eu d’autres effets négatifs. L’AIE note en particulier une baisse des investissements dans les infrastructures nationales depuis 2019, et la dégradation de la santé financière de la plupart des compagnies d’électricité en Afrique qui entraîne un ralentissement des ajouts de nouvelles capacités de production électrique. En résultat, si les installations solaires photovoltaïques ont continué d’augmenter à l’échelle mondiale en 2020 et 2021, elles ont fortement diminué en Afrique en 2020.

Le hors réseau a lui aussi souffert de la crise mondiale. Le prix des systèmes solaires domestiques a fortement augmenté depuis 2020 en raison de la hausse des prix des matières premières et des perturbations de la chaîne d’approvisionnement. L’association mondiale du secteur de l’énergie solaire hors réseau (Gogla) estimait à 14% la hausse moyenne des prix des systèmes hors réseau en juin 2021. Depuis, le prix du polysilicium n’a cessé d’augmenter pour atteindre, en mai 2022, un niveau trois fois et demie plus élevé qu’en 2019. Sur la même période, les prix d’autres équipements électroniques ont également bondi, rendant les panneaux photovoltaïques et les équipements associés moins abordables.

D’ici 2030, doubler les investissements pour accompagner la hausse de la demande d’électricité

Dans le scénario élaboré par l’AIE, la demande d’électricité de l’Afrique pourrait augmenter de 75 % d’ici à 2030. Les EnR, et en particulier le solaire, devraient représenter la majorité des nouvelles capacités installées en raison de la baisse des coûts encore à venir et liée à leur adoption généralisée au niveau mondial. D’ici à 2030, l’énergie solaire et l’énergie éolienne devraient représenter ensemble 27 % de la production d’électricité, soit huit fois plus qu’aujourd’hui.

Mais pour atteindre les objectifs énergétiques et climatiques de l’Afrique, l’AIE affirme qu’il faudra plus que doubler les investissements énergétiques au cours de la décennie à venir. Le ticket est d’ailleurs estimé à plus de 190 milliards de dollars par an de 2026 à 2030, avec les deux tiers des investissements dirigés vers l’énergie propre. La part des investissements énergétiques dans le PIB de l’Afrique passerait ainsi à 6,1 % sur la période, soit légèrement au-dessus de la moyenne des économies émergentes et en développement.

« Les banques multilatérales de développement doivent faire de l’augmentation des flux financiers vers l’Afrique une priorité absolue » écrit l’AIE qui planche sur une augmentation des financements concessionnels en Afrique et une utilisation plus stratégique de ces derniers afin de mieux mobiliser les capitaux privés. De nouvelles sources de capitaux, telles que le financement climatique et les crédits carbone, pourraient également accroître les flux financiers internationaux, sachant que le fardeau élevé de la dette restent un défi.

« Cette décennie est cruciale, non seulement pour l’action climatique mondiale, mais aussi pour les investissements fondamentaux qui permettront à l’Afrique – qui abrite la population la plus jeune du monde – de prospérer dans les décennies à venir », conclut le rapport à ce sujet.

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