[Made in France] Une usine de production de cellules CIGS en préparation à côté de Paris

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Produire des cellules photovoltaïques en France ? Martelé par les pouvoirs publics, l’industrie solaire européenne et les observateurs des flux approvisionnements internationaux, l’énoncé pourrait devenir réalité. C’est en tout cas le projet industriel que porte SOY PV (Soleil sur Yvette Photovoltaïque), une entreprise lancée en mai 2021 pour développer une usine de production de cellules couches minces CIGS (copper, indium, gallium and selenium) à Orsay, dans le sud de Paris.

Une ligne pilote est en phase de finalisation et devrait permettre un début de production, à hauteur de 10 à 100 kW, d’ici fin 2023. Pour l’étape préindustrielle, l’usine doit atteindre un potentiel annuel de production de 3 à 4 MW d’ici cinq ans et vise à étendre ses capacités jusqu’à 10 ou 30 MW en 2030. Destinées à la fabrication de modules CIGS flexibles, les cellules pourront être intégrées dans des solutions solaires innovantes ou sur les marchés existants.

La société SOY PV a été créée sous l’égide de Jean-Michel Lourtioz, directeur de recherche émérite au CNRS et vice-président de l’Université Paris-Sud et de Daniel Lincot, directeur de recherche émérite au CNRS et professeur invité au Collège de France, spécialisé dans l’énergie solaire. Ils ont initié le projet avec l’objectif de boucler la chaîne de valeur CIGS en France. L’idée est de profiter d’un ancrage local et d’un environnement portant vers l’innovation (le plateau de Saclay) pour fournir les cellules nécessaires aux intégrateurs de couches minces européens, à l’instar de Solar Cloth, qui produit déjà ses modules flexibles CIGS en France.

Miser sur le potentiel de la filière CIGS

Face aux concurrents internationaux, et, en première ligne les fabricants chinois et américains, SOY PV se positionne donc sur les couches minces et en particulier sur les cellules CIGS pour son projet de production photovoltaïque.

« Au début des années 2000 on pensait que les couches minces seraient l’avenir à court terme du fait du renchérissement du prix du silicium », explique Daniel Lincot au cours d’un entretien avec pv magazine France. Ce n’est qu’entre 2005 et 2008 que le silicium s’impose sur les marchés internationaux, grâce au lancement de la production de masse de silicium métallurgique en Chine. « Il y a eu une perte de l’avantage de coût direct du CIGS », poursuit le chercheur. Et pour cause, le silicium monte vite en puissance, par effet d’échelle et conformément à la loi de Moore qui postule que l’amélioration constante des performances technologiques entraîne une baisse des prix.

Pour Daniel Lincot, si plusieurs fabricants CIGS échouent aujourd’hui, à l’instar de Solar Frontier, qui annonçait la fermeture de son activité de production de modules CIS en novembre dernier, c’est parce qu’ils se concentrent sur le CIGS sur verre. « Comparé au silicium, les coûts restent encore supérieurs : à 0,48 dollar par watt pour le CIGS, contre 0,25 dollar par watt pour le silicium  d’après une étude du NREL, explique-t-il, ainsi pour un développement industriel, le CIGS sur verre manque de facteurs de différenciation, contrairement au CdTe dont l’essor se poursuit ».

A date, le CIGS reste aussi relativement peu compétitif en terme de performance avec des records de rendement enregistrés à 23,4 % pour le CIGS sur verre et à 21,4 % sur plastique. Ces chiffres tombent respectivement à environ 20,5 % et 17 % – 18 % lorsque l’on regarde les modules commerciaux.

Toutefois, pour Daniel Lincot, le fossé se comble et surtout, les débouchés offrent une opportunité de déploiement inégalée par le silicium : « Le plan de relance en France est un espoir et avec le développement solaire ambitieux annoncé, il ne faut pas oublier les technologies couches minces et il y a de la place pour le photovoltaïque ultraléger ». Il évoque notamment le CIGS sur toile plastifiée qui pourrait être déployé de manière saisonnière et itinérante, par exemple sur les champs après la moisson l’été. Le CIGS sur support dépliant pourrait également convenir dans les installations en toitures complexes ou trop peu solides pour supporter le PV traditionnel en silicium verre.

Produire en France à très bas coût avec la dépose par électrolyse

Mais le projet industriel de SOY PV repose aussi et surtout sur un mode de production alternatif qui permet de produire du CIGS à très bas coût. L’usine pilote, en développement, intègre une méthode de dépôt atmosphérique basée sur une technologie de revêtement simple qui s’apparente à celle de l’imprimerie. Concrètement, cette technique, qui a déjà fait ses preuves sur le PV organique et la pérovskite, utilise ici un procédé d’électrolyse pour la fabrication des couches de CIGS sur grande surface. Le processus de dépôt est suivi d’un traitement thermique qui permet de fabriquer du CIGS à plus bas coût que les technologies sous vides.

Structure d’une cellule solaire CIGS.

Image : SOY PV

Les cellules ainsi produites peuvent ensuite être apposées sur des feuilles flexibles, voire des rouleaux. « L’idée est de produire des modules légers, flexibles et à haut rendement », précise Daniel Lincot. Pour ce faire, SOY PV se positionne, dans un premier temps, en fournisseur de la société Solar Cloth qui est intéressée au projet depuis son lancement. Par la suite, la société pourra fournir d’autres industriels à l’échelle européenne et augmenter sa production dans l’éventualité d’une croissance accélérée du marché de cette technologie solaire.

Pour Daniel Lincot, l’ambition est de développer des cellules tandem en couches minces basées sur le CIGS électrodéposé. Il a notamment identifié un intéressant potentiel d’innovation sur le tandem CIGS-pérovskite et sur la filière associée. Si ce couple technologique a récemment affiché un nouveau record de rendement à 26,2 %, Solliance Solar Research a démontré qu’il pourrait d’ores et déjà atteindre 27,1 % avec une cellule Miasolé et Daniel Lincot estime qu’il pourrait atteindre les 30 % d’efficacité à terme.

L’un dans l’autre, le chercheur affirme vouloir atteindre les 30 MW de production avec l’usine de SOY PV, « et plus si possible », en 2030. « Le projet réunit de premiers investisseurs privés hors fondateurs et vient d’être soutenu par la BPI dans le cadre d’une bourse French Tech. SOY PV candidate également au programme France 2030 piloté par l’ADEME, en lien avec Solar Cloth en aval et le CNRS en amont afin de constituer une filière intégrée en France. »

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