Mobilité solaire : un train autonome basé sur un système PV+stockage en AC locale et collective

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Lancé en 2019, le projet Ecotrain pourrait devenir le mode de transport avec la plus faible emprunte carbone du monde (2g CO2/km par passager contre 55 g CO2/km pour une voiture électrique) selon les estimations de son concepteur Philipe Bourguignon. Cette navette ferroviaire autonome, qui peut être déployée sur les lignes de train existantes pour le transport de passagers et le fret, utilise l’énergie solaire dans un système de boucle locale. Destiné à remplacer la voiture pour les trajets domicile-travail, le train transite particulièrement le matin et le soir, ce qui lui permet d’être pensé au fil du soleil.

Déjà soutenu par six industriels et deux grandes écoles d’ingénieur, le projet bénéficie d’un financement de huit millions d’euros, notamment abondé par l’Ademe et le plan d’investissement France 2030 afin de réaliser un prototype du train ultra-léger. Le pré-démonstrateur devrait circuler mi 2023 sur les voies d’essai du constructeur ferroviaire Socofer près de Tours, puis sur les voies d’essai d’Albi en 2024. Pour soutenir la phase de R&I opérationnelle, l’IMT Mines d’Albi a pris la coordination scientifique du projet en avril dernier et a lancé, à l’occasion, le recrutement de six postes d’ingénieurs de recherche et doctorants dans son équipe internationale.

Côté solaire, c’est Amarenco qui est en charge des installations électrique et notamment des systèmes PV+stockage. Les panneaux seront déployés au-dessus des rails dans les gares, via une structure dédiée, et permettront d’alimenter le train à hauteur de 90% en solaire. Le concept intègre aussi une solution de mobilité pour le dernier kilomètre, de la gare au domicile, sous la forme de voiturettes électriques qui sont elles aussi reliées au système d’AC collective. Le raccordement au réseau permet de sécuriser l’approvisionnement énergétique en hiver et en cas de manque d’ensoleillement.

« Le train consomme cinq à six fois moins d’énergie qu’un moyen de transport routier, en grande partie parce qu’il y a moins de frottement », explique Philippe Bourguignon. En fait, le train a été pensé pour être très peu énergivore et fonctionne sur un système en courant continu qui évite les pertes de conversion et qui permet une économie de coût. Lors d’un entretien avec pv magazine France, Philippe Bourguignon précise que « l’indépendance au réseau garantit un prix de fonctionnalité », un facteur très important dans la mobilité. Et pour cause, le projet pourrait être déployé par les collectivités locales sur les lignes régionales inutilisées. Conformément à la loi LOM de 2019, les régions peuvent désormais posséder et exploiter ces infrastructures et la région Occitanie est prête à se lancer, même si certaines lignes nécessiteraient des rénovations.

AC locale et collective : miser sur le solaire en courant continu pour un service fiable et économique

Pour l’écotrain, la problématique technique de l’énergie à très bas carbone est en passe d’être résolue et tient « plus à la gestion qu’à la production d’énergie » explique Olivier Carré, le CEO d’Amarenco, interrogé par pv magazine France sur le sujet. En effet, à part les pointes de consommation (liées à la nature même de la mobilité domicile-travail) et le système de recharge du train, le prototype se basera sur des technologies existantes. La partie « gestion de l’énergie » sera quant à elle développée avec l’IMT d’Albi dans le cadre d’un programme de recherche pour l’AC collective.

« Il y a simultanéité entre les périodes de production (vers midi) et celles où les trains roulent peu, explique Philippe Bourguignon. Sur les périodes matinales et en soirée il y aura un départ toutes les 30 minutes et en journée, un départ toutes les heures. Avec 1600 mètres carrés de surface de modules par train on assure 90% de ses besoins en énergie en France, 85% en Belgique ». Si le fournisseur de panneaux n’a pas encore été sélectionné, c’est la technologie verre-verre qui a été retenue pour sa résistance, sa qualité et sa longévité – estimée à 30 voire 40 ans dans le projet.

Le projet repose quasi intégralement sur le courant continu (les panneaux, les batteries, les voiturettes et le train lui-même), permettant ainsi d’éviter les pertes de conversion et d’économiser les coûts des onduleurs. Les excédents de production, prévus en été, seront convertis en courant alternatif et consommés localement et gratuitement par les maisons alentours. Les calculs de 2018, qui intègrent une vingtaine de maisons autour de l’installation, tablent sur 700 euros d’économies par an et par maison.

Pour le projet pilote de St Pierre des Corps, Amarenco développe deux lots électriques PV + stockage de 3 MW chacun. Dans le projet final, les panneaux seront déployés dans les gares sur des hangars standardisés à quatre mètres au-dessus des rails. Conçue en lamellé-collé pour son aspect durable et économique, ladite ombrière permettra aussi de développer une technologie de pose industrielle peu couteuse, rapide et facilement reproductible.

Pour Olivier Carré, la réussite de l’exploitation du projet tiendra quant à elle à la sécurisation du personnel et à la gestion de la maintenance. En tant que développeur, l’aspect foncier du projet est également un point crucial pour Amarenco : l’idée étant de couvrir les voies ferrées, le concept propose un modèle de réutilisation et de rénovation d’infrastructures sur lesquelles les collectivités ont déjà investi.

Un potentiel de 50 000 kilomètres de lignes ferroviaires fermées ou déclassées en Europe, dont 4000 en France

L’écotrain est développé en open-source et son plan est disponible en libre propriété, ce qui permet son déploiement rapide et local à l’échelle internationale. En Europe, un potentiel de 50 000 kilomètres de lignes ferroviaires fermées ou déclassées a été identifié, dont 4000 rien qu’en France. Philippe Bourguignon affirme avoir reçu l’intérêt de porteurs de projets pour des développements à venir en Belgique, en Italie, au Royaume-Uni, en Autriche, au Canada (depuis 2019) et même au Chili.

Le système multimodale peut être déployé efficacement jusqu’au nord de l’Allemagne. Il permet, selon son concepteur, une revitalisation des villages, notamment car il prend en compte les problématiques de mobilité dites « du dernier kilomètre ». En effet, des voiturettes électriques (sans permis) seront disponibles à chaque gare avec une autonomie de 80 à 100 kilomètres. Elles seront, elles aussi, alimentées par des installations solaires sous la forme d’ombrières de parking et déclinées en caissons autonomes pour le fret.

Outre l’entreprise ferroviaire française Socofer et Amarenco, l’écotrain bénéficie de l’expertise d’un consortium industriel français couvrant plusieurs secteurs : Stratiforme pour l’utilisation industrielle de la fibre de lin, Clearsy pour la sécurité ferroviaire, Spherea pour les systèmes de tests, Syntony pour la conduite GPS multi-satellite du train autonome et Celad pour la partie numérique. L’IMT Albi sera en charge de la modélisation de la logistique et l’IMT Douai de l’automatisation. Les donneurs d’ordre sont la Région Occitanie (soutien à l’expérimentation) et La Poste (logistique et circuits courts) et la partie conseil est assurée par Arcadis, une société de conseil et d’ingénierie pour l’environnement naturel et construit.

Philippe Bourguignon a confié à pv magazine que deux industriels devraient bientôt entrer au capital du projet. Toutefois la majorité des financements (60 à 80 %) sont d’origine publique de manière à préserver le modèle open-source de l’écotrain. Sur la question de la mobilité au sens large, il rappelle qu’« avec la même batterie, un train ira six fois plus loin qu’un moyen de transport routier ».

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